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La cigarette électronique vous ferait pousser une troisième jambe entre les omoplates

lundi 20 avril 2015 à 15:09

tabac

Très régulièrement, on voit fleurir sur Internet des articles très alarmistes sur la cigarette électronique. Des études qui n’en sont pas, des propos de chercheurs mal traduits, des protocoles de tests inexistants… mais peu importe, il y a toujours une agence de presse pour relayer des alertes toutes plus surréalistes les unes que les autres visant à faire passer la cigarette électronique pour quelque chose d’extrêmement dangereux, bien plus dangereux encore que la cigarette traditionnelle.

Car vous comprenez la cigarette traditionnelle, elle au moins on sait ce qu’elle fait, elle tue rien qu’en France 78 000 personnes chaque année. Mais par « principe de précaution » (NDLR : il doit s’agir d’une précaution fiscale), la nouvelle loi de santé, et prochainement la transposition d’une directive européenne, viendront encadrer la vape comme un produit du tabac. Ouais… sauf qu’il n’y a pas de tabac. Il peut y avoir de la nicotine, certes, mais dans la cigarette, ce n’est pas la nicotine qui tue, mais les goudrons, la combustion. Goudrons et combustion qu’on ne retrouve pas dans la cigarette électronique. Mais par « principe de précaution », le gouvernement semble très attaché à ses 78 000 morts par an… une mane fiscale providentielle, le cashflow de la relance, qui coûte quelques années plus tard très cher à la société en soins.

Après l’étude japonaise bidonnée, après l’étude norvégienne non moins bidonnée sur la « vapotage passif », une nouvelle « étude » relayée par le Boston Herald vous explique cette fois ci que la cigarette électronique provoquerait des cancers et une mutation des cellules… oui ! Toi vapoteur, tu vas devenir un X-Men ! L’étude en question, serait signée du Dr Avrum Spira, professeur de médecine à la Faculté de médecine de l’Université de Boston. Le problème, c’est qu’il n’y a derrière cette déclaration aucune publication scientifique et que le professeur en question explique en gros que « ce que l’on ne connait pas pourrait être dangereux pour nous »… et si ma tante en avait …

Et avant que l’AFP ne s’empresse de publier une dépêche qui sera reprise puis timidement démentie comme les précédentes, sachez que le Dr Avrum Spira était déjà à l’origine d’une polémique l’année dernière avec cette même annonce, des propos qui avaient été lourdement pondérés par le fait que si la cigarette traditionnelle crée bien des cellules cancéreuses, il n’a pas été mis en évidence que ceci était le cas avec la cigarette électronique.

Thx @avalonne_vero

Pour aller plus loin 

Pierre Lellouche et l’inspection des « poches profondes » (Deep Pocket Inspection)

dimanche 19 avril 2015 à 21:10

pierre-lellouche

Attention, ce matin, Pierre Lellouche interviewé par Pierre Weill était remonté contre le projet de loi sur le renseignement. Le valeureux député UMP débute cet extrait en disant … »on est pas tous débiles » et s’inquiète des technologies de surveillance qui permettent d’écouter tout le monde sur le réseau, avec la fameuse technologie du « Deep Pocket Inspection », nous dit-il. Et ce n’est pas un lapsus, puisque ce brave Lellouche se fend d’une traduction pour l’auditeur qui ne comprendrait pas bien l’anglais : « l’inspection des poches profondes…  » (à 0’34)

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Et oui, à l’UMP, on inspecte les « poches profondes » des internautes (et des contribuables ?), qui sont, ces poches, comme chacun le sait, sans fond. Mais chez Lellouche, il n’y a pas que les poches qui sont profondes, visiblement.

#PJLoirenseignement : pourquoi les Français s’en foutent (majoritairement)

dimanche 19 avril 2015 à 10:32

dostoievski-liberte

Lecteurs attentifs et assidus de Reflets, vous êtes agacés et inquiets. C’est normal. Après tout, c’est un Etat policier qui se crée sous vos yeux effarés, dans une indifférence quasi générale, hormis les quelques centaines de milliers d’Internautes ‘concernés’ qui twittent à-tout-va pour dénoncer l’horrible projet du gouvernement Valls. On ne sauve pas (ce qu’il reste d’) une société issue des Lumières avec des tweets, mais c’est un beau geste, qui démontre avec brio l’innocuité savoureuse du slacktivisme. Le slackticivisme ou activisme des feignants, cette forme d’activisme de plus en plus plébiscitée pour sa formidable capacité à donner un sentiment d’importance et de « concernement » à ceux qui la pratiquent, sans leur coûter le moindre effort, pour des résultats proches du néant. La réalité est que les Français, à 90%, se tamponnent le coquillard du projet de loi sur le renseignement, quand ils sont au courant de son existence, ce qui n’est pas si fréquent qu’on le croit. Mais dans ces conditions, puisque que tout est foutu, y-a-t-il un intérêt à comprendre ce qu’il se passe ? Oui, oui. On ne sait jamais, cela pourrait servir aux générations futures — s’ils savent encore à peu près lire et penser ce qu’ils déchiffrent.

La liberté, un truc improbable ?

Quand on pose la question du sacrifice de la liberté [ou des libertés], à des sondés représentatifs de notre communauté nationale, cela donne des choses étonnantes, comme Tristan Nitot l’analyse sur son blog. Ils sont conscients de sacrifier leur liberté, les sondés, mais ils veulent de la sécurité, et pourtant ils ne font pas confiance au gouvernement pour protéger leur vie privée bientôt désintégrée par le dit gouvernement. Bref : les sondés ne semblent pas comprendre grand chose aux questions auxquelles on leur demande de répondre, mais sont « pour » un sacrifice — afin d’être mieux « protégés ».

esclavagecestlaliberteComme on les comprend. Le monde qui nous environne est tellement violent. « Encore hier, j’ai vu une dame âgée se battre avec une roulette de son caddy au supermarché… » pourrait dire l’observateur attentif du réel.

Laissons-nous un instant, glisser vers une compréhension objective du concept de liberté, au cœur du sondage, pour tenter de comprendre les réponses renvoyées par ces chers sondeurs. La liberté, ce truc hyper important dont tout le monde se fout au point de vouloir la sacrifier pour gagner un peu plus de « sécurité ». Quelle liberté ? Savons-nous ce qu’est la liberté, pour le Français qui répond qu’il l’offre à Valls, Cazeneuve et leurs boites noires ? Hum. Au doigt mouillé, le concept basique de liberté est simple à imaginer si l’on se moule dans le fonctionnement partagé du plus grand nombre. Il suffit d’aller voir ce qui l’active, le transmet, le pilonne au quotidien. La boite à temps de cerveau disponible. Majestueusement installée dans 99% des foyers français. Depuis la naissance, pour les générations les moins âgées.

Liberté d’observer le cynisme et la médiocrité

Ce qui détermine la capacité à la liberté d’un individu donné est contenue dans peu de choses. La principale est l’autonomie. Les enfants ne sont pas libres de faire ce qu’ils veulent, et si l’on protège les enfants en encadrant leur liberté, c’est parce qu’ils ne sont pas autonomes. Qu’est-ce que l’autonomie ? La capacité à penser et faire par soi-même sans se mettre en danger, ou les autres, dans le respect des limites d’autrui. Comment apprend-on aux enfants à devenir autonomes ? Bizarrement, en les collant devant devant un poste de télévision dès le plus jeune âge. Que fait la télévision ? Elle vend du temps de cerveau disponible. Elle montre les aspects les plus cyniques et médiocres du monde, voire, les fabrique de toutes pièces. En alternant avec des messages commerciaux récurrents et hypnotiques basés sur une unique compulsion, celle de l’achat. Pour apprendre l’autonomie, on fait mieux…

liberte-chaines

Nous avons donc une population majoritairement intéressée par la consommation, habituée à comprendre le monde via des discours débilitants et pré-fabriqués pour coller à des messages de déclenchements de réflexes d’achats. Sachant que l’autonomie, pilier de l’accès à la liberté est aussi entièrement dépendant d’une capacité à forger sa pensée en dehors d’un discours standardisé ou orienté, comment 65 ou 66 millions de téléspectateurs Français font-ils, après 4h de lavage de cerveau quotidien pour acquérir une quelconque liberté ?  La question se pose. Aujourd’hui, avec le projet de loi sur le renseignement, plus encore. Comme la télévision ne semble pas franchement creuser le sujet de la liberté, de la vie privée, et du projet de loi votée le 5 mai prochain, que les téléspectateurs attendent  surtout la suite du programme, y-a-t-il au fond une quelconque nécessité à se questionner sur le sujet de « la ou des libertés » ? Franchement… ?

Retirer quelque chose que l’on n’a pas ?

Gaxotte - propagandeLe discours sera mal perçu, et les lecteurs de Reflets pourront s’agacer, mais au final, il semble très difficile, voire impossible de lutter contre « la boite à temps de cerveau disponible ». Un pays habité par une majorité d’individus qui ne sait même plus ce qu’est être libre, autonome, qui s’affale 4h par jour devant une succession de messages commerciaux — vaguement entrecoupés de programmes de distraction ou d’informations réduites à leur plus simple expression — ne mérite pas grand chose. Si la « liberté » de cette majorité est de regarder le monde à travers une vitre, de croire que chaque membre est « unique », que pouvoir se payer des nouveaux objets est un projet de vie en soi, sa liberté, en réalité, n’existe pas. Et comment retirer à quelqu’un, quelque chose qui n’a pas d’existence ? Vaste question, n’est-ce pas ?

Les boites noires du #PJLrenseignement ne sont pas une nouveauté

jeudi 16 avril 2015 à 16:42

qosmamesysAvec l’éviction du juge, l’installation de « boites noires » sur les réseaux des FAI et autres hébergeurs ou réseaux sociaux est le point le plus hallucinant du projet de Loi sur le renseignement. Il implique un changement de paradigme qui devrait faire frémir tous les parlementaires (ce qui n’est absolument pas le cas, au contraire) et plus largement, tous les Français. Et pourtant, l’arrivée de ces boites noires n’est en rien une nouveauté.

Bernard Cazeneuve l’a dit hier à l’Assemblée Nationale, les boites noires ne fonctionneront pas avec du deep packet inspection. Vraiment ? Mais alors que sont-elles et comment fonctionnent-elles ? Secret-défense, monsieur, circulez, il n’y a rien à voir. C’est à peu la réponse à laquelle nous avons eu droit à toutes nos questions un tantinet technique lors d’une réunion à la Numa à laquelle s’étaient invités moult conseillers de Matignon ou de l’Intérieur. Montrant ainsi la fébrilité du gouvernement qui déléguait des proches pour contrer les arguments des opposants, dans un débat qui avait pourtant peu de chances de dépasser les murs de la Numa.

Donc, pas de DPI. Il va falloir nous expliquer par quel magie vaudou le gouvernement entend surveiller les métadonnées de l’Internet français pour les faire analyser par des algorithmes visant à mettre en lumière des préparatifs d’attentats, sans utiliser du DPI pour collecter lesdites métadonnées. Ah, non, oui, on oubliait. Secret-défense la magie vaudou…

Comme nous sommes des trolls complotistes monomaniaques et paranoïaques, nous continuons de penser que ce type d’opération ne se fera pas sans DPI. Aujourd’hui, le dispositif est prévu pour ne collecter que des métadonnées. Et de manière anonyme (cela reste un débat qui peut être aisément tranché par quelques chercheurs spécialisés dans l’anonymisation des débats, il y en a de très bons à l’INRIA capable de dé-anonymiser des données). Mais l’évolution des lois sécuritaire n’incite pas à la confiance. Demain, après un possible nouvel attentat, une nouvelle loi pourrait imposer la collecte du payload, c’est à dire des contenus. Une fois l’infrastructure en place, rien de plus simple que de passer au niveau supérieur.

Des boites noires pas complètement inconnues…

Avant les boites noires du projet de Loi sur le renseignement, il y a eu toute une préparation menée d’abord par l’équipe Sarkozy, puis par l’équipe Hollande.

Né au LIP6, un labo de recherche de Paris VI, le DPI a été utilisé pour créer une spin-off. Une entreprise qui exploitait des brevets de l’université et reversait de l’argent en contrepartie. Cette société, c’est Qosmos, que les lecteurs de Reflets connaissent depuis la fameuse interview de son PDG, Thibault Bechetoille, par l’équipe du journal, en mars 2011. Bien avant que qui que ce soit ne parle de ce sujet.

Avant les boites noires du projet de Loi sur le renseignement, il y a eu Amesys. Et son Eagle, outil de captation à l’échèle d’une nation.

Ces deux entreprises ont été financées par BPIfrance, l’outil de soutien aux entreprises du gouvernement français. Qosmos pour sa part travaille en très étroite collaboration avec la DGSE sur le projet Kairos (secret-défense lui aussi) et l’on imagine mal que ce soit pour faire de la captation de lolcats sur Internet. Même sur le fameux Darkweb évoqué par le gouvernement hier à l’Assemblée.

L’équipe de Nicolas Sarkozy a fortement appuyé Philippe Vannier (patron d’Amesys, puis de Bull probablement offert en forme de reconnaissance pour services rendus) et Amesys pour la vente d’un système d’interception « nation-wide » à la Libye de Kadhafi.

Qosmos a pour sa part été prise la main dans le pot de confiture en essayant de vendre ses sondes DPI à la Syrie par le biais d’un consortium international.

Ça, c’est la partie visible. Celle qui a été évoquée dans la presse un peu partout dans le monde. C’est déjà une belle reconnaissance du savoir-faire de la FrenchTech. Oui, nous savons faire des outils d’interception à l’échelle d’une nation.

La partie moins visible, c’est que :

Nous avons donc des boites noires développées avec l’argent de dictateurs dans des pays étrangers qui les achètent, un bêta-testing dans ces pays, un financement public via BPIfrance, un appui politique pour les premiers contrats, un service de renseignement (DGSE) très proche de l’une des deux entreprises, et accessoirement, deux procédures ouvertes pour complicité d’actes de torture devant le pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre  au sein du Tribunal de grande instance de Paris. Un intéressant sac de noeuds…

IMSI-catchers : une Maskirovka pour la presse

Tout à coup, en réponse à des attaques terroristes, apparaît l’idée des boites noires pour la France. Il est très probable qu’elle s’appuient sur les développements effectués jusqu’ici. Ce qui est très malin, au départ, de la part du gouvernement, c’est d’avoir noyé ces boites noires dans un projet plus vaste comportant des mots-clef permettant de détourner l’attention des journalistes, comme « IMSI-catcher ».

Si les affaires Amesys et Qosmos ont fait l’objet d’articles, c’est quasiment toujours de manière sporadique, en fonction de l’actualité précise (procès, révélations de contrats). Jamais la presse n’a suivi ce sujet de manière récurrente. Pourtant, il y avait matière a interpeller les politiques impliqués et à s’inquiéter du développement de ces technologies. L’affaire Snowden a montré jusqu’où tout cela pouvait mener. Il y avait fort à parier que la France s’engage sur ce terrain. Si ce n’est déjà fait, comme l’indique Le Monde dans son article sur la PNCD qui intercepterait déjà en masse depuis des lustres.

Reflets se réjouit de la multiplication ces derniers jours des articles sur les dangers d’une surveillance de masse en France (ou ailleurs). Mais l’implication régulière depuis 2011, quand nous avons commencé à interpeller sans relâche les autorités et les entreprises concernées, aurait peut-être permis de freiner les ardeurs du gouvernement a installer les fameuses boites noires.

Un bon client de longue date : le gouvernement français

Les boites noires de ce qu’est devenu Amesys, c’est à dire Advanced Systems, font les choses bien et si vous lisez les prospectus de ses produits, vous en mesurerez les capacités. De quoi franchement inquiéter la population française si les mêmes outils étaient déployés ici.

Or, Amesys (canal historique) a une longue tradition de business avec les autorités françaises. Avec la DIRISI qui s’occupe des achats de ce type de matériel pour l’armée, mais aussi avec le ministère de la Défense. Ou avec la DGSE, la DRM, la DGA, etc.

Notez que Jean-Jacques Urvoas, le député qui a tant inspiré le projet de Loi sur le renseignement avait déclaré à l’Assemblée Nationale qu’il n’avait connaissance que Amesys ou Qosmos soient des fournisseurs du gouvernement. Attention M. Urvoas, dans un paragraphe, vous allez être ridicule. Malheureusement, il ne suffira pas de fermer cette page pour éviter cela. Comme vous lorsque vous étiez levé pour quitter la salle lorsque nous vous avions posé des questions dans une réunion publique.

Jusqu’à maintenant, et depuis 2011, Reflets a diffusé de très rares documents liés à ses enquêtes sur Amesys ou Qosmos. Nous estimions que nos lecteurs pouvaient nous croire sur parole, sans que nous ayons à insérer des fac-simile de documents internes desdites entreprises. Nous ne pensions pas non plus avoir besoin d’insérer des « ALERTE » ou des « EXCLUSIF » pour attirer l’attention. Or hier, à l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a ressenti le besoin d’expliquer qu’il ne croyait pas ce qu’il lisait dans la presse. Que des menteries, ces articles sur la surveillance de masse. « Moi ce qu’il y a dans les articles de presse, par principe je n’y crois pas, par nature et par essence. Ce n’est pas parce qu’on répète à l’envie « surveillance de masse » qu’on a raison », indiquait hier le ministre de l’Intérieur. Dont acte. Nous allons donc publier quelques documents pour lui donner des raison de nous croire.

dirisi

Issu de la comptabilité d’Amesys pour 2013, ce document montre des échanges commerciaux conséquents avec la DIRISI et le ministère de la Défense. Pour faire quoi exactement, monsieur Cazeneuve ?

Le ministre semble sous-entendre que tout ce que nous avons écrit sur le sujet est sujet à caution. Si tel était le cas, Amesys, Qosmos, BlueCoat et d’autres nous aurait déjà assommé sous des procès. Ils savent sans doute que nous arriverions au tribunal chargés de cartons de documents qu’ils n’ont pas envie de voir entrer dans une procédure judiciaire ?

Des écoutes sur les câbles ? De téléphonie ? Impossible… Ou Pas.

Autre exemple, cette facture d’Amesys pour un projet mené par l’Armée de terre et la DGA (Direction Générale de l’Armement).

armee-drm

On y parle de Digital circuit multiplication equipment.

Des sondes un peu partout chez les FAI

Des sondes DPI, il en existe chez à peu près tous les FAI. La comptabilité de Qosmos sur ce point est très claire. Free est un bon client. Quant à Amesys, elle a répondu à un projet nommé « Matrice 10GB » chez Orange en décembre 2010 pour l’installation de DPI de test :

« Pour répondre à des besoins de monitoring sur ses architectures complexes utilisant des infrastructures complexes utilisant  avoir une solution flexible que nous appellerons matrice pour rediriger et filtrer à la demande le flux en provenance d’un splitter ou d’un port de capture vers un outil d’analyse, optimisant de la sorte l’utilisation de ces derniers. En amont des matrices seront déployées par l’ingénierie site des splitters 70/30 installés dans des répartiteurs optiques ou des TAP Cuivre Gigabit. Les matrices seront déployées dans une armoire où seront aussi regroupés sondes et analyseurs de protocoles. Deux catégories d’usages sont aujourd’hui identifiées :

Ces usages du DPI n’ont rien de commun a priori avec celui envisagé par le gouvernement. Il s’agit là de qualité de service, de facturation de services, bref, pas vraiment de la surveillance de masse.

Qosmos et les terroristes qui masquent leurs adresses IP

Autre point intéressant, les affirmations de Bernard Cazeneuve sur les terroristes ou probables terroristes émettant des « signaux faibles », comme le fait de masquer son adresse IP. Il parle là de Tor ou de VPN. Il compte les repérer sans DPI. torPourtant, Qosmos fait cela très bien. Surtout Tor ou OpenVPN, comme le démontrent ces listes de protocoles reconnus et classifiés par les sondes Qosmos (faites clic-clic sur les images).openvpn

Un savoir-faire dont il serait dommage de se passer, d’autant que des fonds publics ont déjà été dépensés en masse pour soutenir cette entreprise. Le gouvernement n’est jamais à l’abri d’une enquête de la Cour des Comptes sur le mauvais usage des fonds publics.

Bien entendu, le ministre, s’il est de bonne foi, ne comprend pas un mot de ce qu’il raconte et n’a aucune idée du volume de faux positifs qui vont remonter pour « usage de Tor » ou « utilisation d’un VPN ». Les journalistes qui utilisent Tor, les opposants, les associations de défense des droits de l’homme, les employés d’entreprises qui fournissent un VPN pour un accès distant à leur réseau…

Mais qu’importe… L’important est que les boites noires voient le jour. Chacun sait comment tout cela finira, surtout les services de renseignement et le gouvernement. Les Français… C’est moins sûr. Et puis il y a plus important. Le finaliste de ce jeu de téléréalité, le vainqueur du match de foot…

 

 

Sous le règne de la gouvernance algorithmique

mardi 14 avril 2015 à 16:10

Agent_Smith2

Le problème central du projet de loi sur le renseignement, est celui des « boites noires » — installées chez les FAI, les hébergeurs — et permettant une surveillance des « comportements terroristes » grâce à des algorithmes (secrets).

Jean-Jacques Urvoas, interrogé ce matin  (très légèrement) sur RMC à ce sujet par Bourdin, a pu « rassurer » les citoyens. Jean-Jacques Bourdin, a aboyé très fort, laissant entendre qu’il s’inquiétait de la possibilité de… quoi au juste ? Une surveillance de masse ? Un problème pour les libertés ? Un peu, oui, mais avec tellement d’incompréhension technique et technologique dans son propos, que le député socialiste a pu opérer, en réalité — avec une facilité déconcertante — à l’avant-vente de l’implantation des système de contrôle et de surveillance internet (« intelligents »).

La problématique d’atteinte aux libertés amenant à une gouvernance politique anti-démocratique  ne peut pas être abordée avec des personnes qui ne comprennent pas la moitié du contenu des questions qu’elles posent. La question des algorithmes en est une. Elle est centrale. Cet article est là pour aider nos confrères à mieux comprendre de quoi ils parlent, comme la veille de l’intervention du député Urvoas, où le débat entre journalistes était très léger, et c’est un euphémisme.

Et si je tape djihadiste ?

C’est la question à deux euros de Jean-Jacque Bourdin à l’autre Jean-Jacques, Urvoas, au sujet de la loi sur le renseignement. La réponse arrive très vite, bien préparée : « mais voyons, pas du tout, ce n’est pas ça qui… etc, etc… ». Protection des libertés, pas de surveillance de masse, surveillance des seuls terroristes : le discours est connu, il est creux, mais surtout totalement décalé de la réalité. Mensonger pour dire les choses clairement.

L’interview d’Urvoas par Bourdin

Les journalistes ne voient qu’une seule chose, la surveillance par mots-clés. Ils ne peuvent appréhender les dispositifs dits des « boites noires internet » que par le seul prisme humain : pour eux, les boites noires vont surveiller ce que tapent les individus sur un moteur de recherche, par exemple, ou retenir les sites « terroristes » visités par des internautes. Et ce n’est pas là que la problématique se pose dans toute sa complexité — bien que ce procédé de surveillance puisse être aussi mis en place et soit parfaitement anti-démocratique en termes de libertés individuelles et de droit d’accès à l’information, à la vie privée. Ce que devraient demander les journalistes est autre chose. Aidons-les un peu.

Qu’est-ce qu’un algorithme (secret) ?

images

Un algorithme, et de nombreux lecteurs de Reflets le savent très bien, est une « méthode générale pour résoudre un ensemble de problèmes », et donc, en informatique, une suite d’actions données à une machine via un langage informatique pour qu’elle opère, avec un résultat final, à partir d’entrées qui mènent vers des sorties. L’exemple type d’un algorithme, sans parler d’informatique, est une recette de cuisine. En 2015, les algorithmes informatiques sont très « puissants », ils possèdent — sur le réseau — une forme d’autonomie.

Pour les lecteurs les moins avertis — comme par exemple les journalistes qui ne manqueront pas de nous lire — disons que les algorithmes appellent d’autres « instances algorithmiques » pour les aider à procéder correctement dans leurs actions, qu’ils ont une forme de complexité qui leur offrent une certaine « intelligence ». Les programmeurs (désormais appelés développeurs) d’un algorithme (ou d’un bout d’algorithme au sein d’un code très vaste) ne savent pas tout ce que fait le code dans son ensemble. Parce que leur code hérite  souvent de fonctions d’autres codes qu’ils n’ont pas eux même codés, par exemple, mais dont ils ont besoin, pour que leur programme fasse ce qu’il doit faire.

Les »gros algorithmes de surveillance » des « comportements terroristes » au sein des boites noires, sont donc une suite de programmes, très vastes dans leurs fonctionnalités —  et qui obligatoirement — vont travailler avec les données et des méta-données de la population, dans son ensemble (Cet article de Laurent Chemla explique très bien le problème). Le principe sera d’essayer de profiler des internautes de façon purement informatique (sans intervention humaine) via la récupération d’une somme très conséquente d’actions opérées sur le réseau internet. Ce sont donc des « robots » qui fouilleront, ordonneront, trieront, capteront, fabriqueront du profil humain. Des robots logiciels. Des algorithmes. Qui vont « s’adapter », « affiner » leurs profilages, et s’attacher à devenir de plus en plus efficaces. Ils devront pour ce faire, capturer de nombreux comportements, pour les comparer. Avec ce qui devrait être le comportement de terroristes actifs… ou potentiels.

La question de l’humain et du robot : la gouvernance algorithmique

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Ce qui va être voté par les parlementaires français n’est donc pas un simple « système de surveillance d’Internet pour traquer les comportements terroristes », mais une nouvelle forme de gouvernance permettant à des agents informatiques d’opérer sur le terrain d’Internet. Le premier ministre propose de lâcher sur les citoyens français, des formes d’intelligences artificielles, dont personne n’a idée de leur contenu ou fonctionnement, et qui pourront dénoncer aux « agents humains de l’Etat », qui elles estiment suspects.

Le politique délègue à des machines une capacité de renseignement sur les communications humaines ? C’est une première dans ce pays. Si gouverner est prévoir, il est sans aucun doute nécessaire de discuter fermement avec l’instance politique du droit qu’elle compte s’octroyer de « prévoir » par le biais d’algorithmes, donc de machines.

Cette nouvelle forme de gouvernance, que l’on peut appeler gouvernance algorithmique pose de nombreuses questions de sociétés. Bien au delà de celles ayant trait au pouvoir donné aux agents de la force publique et du renseignement.

Les fantasmes dénoncés par Manuel Valls sont pourtant réalité

agent

Un homme aussi intelligent que le premier ministre français devrait quand même mesurer ses paroles lorsqu’il parle de sujets techniques qu’il ne maîtrise pas. Surtout lorsqu’il accuse les opposants au projet de loi sur le renseignement d’être « en plein fantasme ». Manuel Valls devrait s’intéresser aux ouvrages d’anticipation, de science-fiction qui décrivent des sociétés futuristes — à l’époque de leur écriture —  et totalitaires, ou tout du moins excessivement limitées d’un point de vue des libertés humaines, et ce, par le biais des machines.

Les possibilités technologique décrites dans ces ouvrages de Philip K. Dick, tel Minority Report, sont aujourd’hui en place. Non pas qu’elles seront au final fiables à 100%, loin de là, mais leur mise en œuvre, et le fantasme sécuritaire, celui de Manuel Valls, justement, est lui réel, par contre, et se met en place.

La précognition informatique, puisque c’est de cela dont parle le projet des boites noires, est un fantasme, que la technologie peut tenter d’atteindre. Des algorithmes cherchant à prévoir les futurs comportements des êtres humains composant la société. Une société composée d’internautes, des humains très inquiets, puisque sachant que des agents informatiques les surveillent et peuvent les assimiler à un comportement « déviant ».

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C’est cette société que Manuel Valls, Jean-Jacques Urvoas, François Hollande et tous ceux qui voteront la loi sur le renseignement veulent mettre en place. Une société où le pouvoir politique délègue à des intelligences artificielles la faculté, de secrètement profiler n’importe qui. Une société qui accepte que des agents de renseignement de l’Etat soient des programmes informatiques.

Ces agents ne payent pas de cotisations retraite ou chômage, ne mangent pas, ne dorment pas, ne touchent pas de salaire, ne rendent de compte à personne dans leurs actions, ne peuvent être blâmés pour des fautes commises. Ils travaillent jour et nuit, sans bruit. Et chacun devra se poser la question, en se connectant au réseau : sont-ils là ? Que font-ils ? Suis-je suspect à leurs yeux ? M’ont-ils observé, comparé avec d’autres ?

Les journalistes qui veulent questionner les décideurs politiques sur les dangers des « boites noires » doivent oser poser ces questions : pouvons-nous, sans concertation nationale large, sans que la « justice judiciaire » ne puisse être partie prenante, laisser se mettre en place une gouvernance politique algorithmique ?