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Individualisme, solidarité, société de consommation et loi El Khomri

dimanche 28 février 2016 à 12:25
ministre-travail-myriam-el-khomri-saint-ouen-5-novembre-2015

Et oui, et oui… Ceci est la ministre du travail en pleine action. Pour écrire à la ministre, c’est ici : http://travail-emploi.gouv.fr/ministere/article/ecrire-a-la-ministre

 

L’unanimité, à gauche — et peut être au delà — contre le projet de réforme du code du travail est symptomatique d’un mal français : le clivage. Ce trouble psychiatrique permet à un individu de vivre avec deux personnalités bien distinctes qui ne se rencontrent pas, et qui souvent sont parfaitement antinomiques. Que se passe-t-il quand une population dans son ensemble est atteinte de ce mal ?

30 ans d’individualisme forcené

Observer le projet de la ministre du travail en prenant un peu de recul historique avec la société française, offre une perspective différente que celle qui prévaut, basée sur une indignation de l’instant face à un recul des droits du travail. Réalité : depuis trois décennies, le projet français, partagé par le plus grand nombre, adopté dans les modes de vies et l’éducation des enfants est celui de l’individualisme. Réussite individuelle, sacralisation de l’individu-roi, liberté par l’individualisme, conquêtes et avancées par les individus seuls, consommation individuelle en croissance perpétuelle, etc…

Le modèle social que la France a voulu, désiré, activé et plébiscité est celui du capitalisme libéral et de l’émancipation des individus par la réussite socio-économique individuelle matérialiste basée sur la compétition et la productivité personnelle. La ruée vers les centres commerciaux, la consommation massive de produits de loisirs et de distractions, l’aspiration générale à une élévation du confort matériel personnel sont les principales valeurs communes qui relient les habitants de l’hexagone. Ce modèle de société, calqué sur celui des Etats-Unis a été promu par les élites et fortement appelé de leurs vœux par les individus, tout en refusant de lâcher les anciennes valeurs accolée à l’ancien système, bien plus collectif, voire collectiviste. Le beurre et l’argent du beurre, pourraient dire certains, qui militent depuis longtemps pour que le choix de l’individualisme soit plein et entier et mène à l’abandon des fondamentaux français de protections sociales par une répartition des richesses plus ou moins bien orchestrée.

Le clivage

Une grande partie de la population française estime que la protection sociale ne doit pas être touchée, que les fondamentaux issus du C.N.R (Conseil national de la résistance : sécurité sociale, retraite, rétablissement de la semaine de 40 heures, etc…) ne doivent pas être abolis. Dans le même temps, tous ces Français n’ont absolument aucun désir de partager quoi que ce soit collectivement ou de modifier leur fonctionnement de type individualiste. De façon synthétique, cette mentalité pourrait être résumée par « Laissez-moi tranquille, laissez-moi agir en parfait égoïste, sans me préoccuper des autres, mais conservez-moi tous les avantages que le partage collectif offre. Donnez-moi de la solidarité, tout en me permettant de vivre en parfait égoïste… »

Ne pas vouloir être engagé collectivement toute en voulant bénéficier du collectif. Surconsommer tout en se plaignant du manque de moyens financiers personnels. Plébisciter les structures économiques les plus oppressives et se plaindre de l’oppression qu’elles exercent. Hurler sur les prélèvements étatiques tout en hurlant sur la baisse des services de l’Etat. Vouloir de la qualité tout en payant de moins en moins cher…

Dans l’hypermarché hexagonal, personne ne vous entend crier

Cette réforme du code du travail a une vertu. Celle de mettre une grande partie des Français devant un fait accompli. Celui d’une parfaite ambivalence et d’une forme de duplicité collective qu’il va bien falloir « assumer ». La mémoire d’un peuple est souvent courte. Ont-ils oublié qu’ils avaient élu Jacques Chirac en 1995, puis réélu le même en 2002 ? Milité, en grande majorité, pour une mondialisation où chacun était censé profiter des bienfaits de la libéralisation des marchés, avec le boursicotage pour tous ? Ont-ils oublié qu’ils ont élu Sarkozy en 2007 ? Le slogan le plus populaire aujourd’hui ne serait-il pas, au fond « un Iphone et un Ipad pour tous ? ». La vie quotidienne des habitants de ce pays est totalement asservie aux marchés financier, par la collaboration active des premiers dans le financement actif de ces derniers.

La jeunesse pourrait…?

La France est le pays de l’OCDE qui a le taux de syndicalisation le plus bas : 5%. Les dirigeants des PME n’ont aucunes forces syndicales et se laissent mener par le MEDEF, une structure dirigée par des patrons de très grandes entreprises, entièrement vouée à la défense des multinationales. Dans ce contexte, la lutte sociale est proche du néant, et la ministre du travail joue sur du velours, puisque malgré les quelques signes d’un mouvements intersyndical, la fronde contre son projet de réforme du code du travail n’a pas beaucoup de chances de devenir un véritable mouvement social. A moins que…

Les 18-30 ans seraient-ils en train de se réveiller ? Sur les réseaux sociaux, il semble que oui. Le hashtag #OnVautMieuxQueCa devient « viral », et la vidéo éponyme, très sympathique dans la forme, et sérieuse dans le fond, pourrait devenir une sorte d’étendard unificateur. Certes. Une remarque quand même : le terme de « valoir mieux » renvoie-t-il à une demande économique de la jeunesse avant toute chose ? Le problème de fond serait-il juste de donner plus de valeur financière aux salariés ?

Dans tous les cas, si toute cette contestation reste confortablement au chaud devant un écran au fond d’un salon, elle ne risque pas de gêner particulièrement le gouvernement. Myriam El Khomri a déjà répondu à une autre action en ligne, la pétition contre son projet de réforme, et la communication des « pros » et « anti » tourne à fond.  Une autre pétition tourne, favorable à la loi El Khormi, d’ailleurs. Mais on ne fait pas plier un gouvernement avec de la communication. C’est dans la rue, et nulle part ailleurs que la contestation peut obtenir gain de cause et faire reculer un gouvernement.

Si la jeunesse, qui jusque là s’est contentée de compter les points tout en s’inquiétant de sa faculté à « s’insérer », se contente de manifester son mécontentement par et sur le net, elle obtiendra des garanties équivalentes à l’outil de contestation utilisé : virtuelles. Non pas parce que le net est déconnecté du réel, ou qu’il serait « à côté de la société », mais simplement parce qu’il est un outil de communication. Et que le risque physique, avec le net, est proche du néant, alors que dans la rue, il est réel. L’engagement physique ne peut qu’obliger les pouvoirs politiques à négocier, pas l’engagement numérique seul, qui les agace, mais pas beaucoup plus. Si la rue est envahie, l’espace conquis par classe dominante est envahi, leur pouvoir de contrôle est attaqué. Internet ne peut pas être envahi, les dominants n’y vivent pas et s’en moquent comme de leur premier mandat. Sans oublier que leurs soutiens les plus nombreux sont âgés, peu connectés, et insensibles aux luttes numériques.

En fait, il ne va peut-être rien se passer…

Le projet El Khomri est un projet de réforme sociale qui a pour objectif de faire basculer un peu plus la société du travail dans le monde de l’exploitation néo-libérale, déjà en œuvre dans une majorité de pays aujourd’hui. La plupart des Français ont cautionné ce système depuis son origine, ils ne feront rien contre, pour la plupart. Restent les résistants de la première heure et la jeunesse désabusée du pays pour contrer ce projet, et peut-être, proposer autre chose à la place : une économie sociale et solidaire ?

On peut toujours rêver…

En attendant, quelques politiques tentent de proposer des bribes de solutions ou alternatives au système en place. La réponse de la ministre du travail n’est pas, là encore, à la hauteur de l’enjeu. Qui en aurait douté ?

Martine et le monde qui vient

mercredi 24 février 2016 à 22:06

martine-et-le-monde-qui-vientIl faut l’avouer, la rédaction de Reflets commençait un peu à perdre la foi. Entre la baisse régulière des dons des lecteurs qui condamne à terme ce journal, les lois sécuritaires, Mirza, la chienne de notre coiffeur qui était malade, Trump qui continue de caracoler dans la course à l’investiture aux Etats-Unis, la mort de Bowie, l’arrivée du bouton « Haha » sur Facebook… c’était trop pour nous. La lecture du livre « Martine et le monde qui vient » nous a toutefois redonné l’envie de rire.

Dans le livre, Martine s’inquiète. Et elle en a assez. On vous résume : le gouvernement issu de ses rangs (socialistes) fait une politique de droite, fait passer ses textes par oukases (49-3), accumule les cadeaux en tous genre (argent, droit du travail revu et corrigé) au patronat. Trop c’est trop nous dit Martine.

Et tout ça, c’est frai.

Il était temps qu’un éléphant (les pontes du PS, pour les moins de vingt ans qui…) se lève et dise tout haut ce que tout le monde pense tout bas (oups…) mais n’ose pas dire de peur de perdre son investiture. Bravo Martine.

Ceci dit, c’est un peu tout ce que racontent les observateurs avisés depuis longtemps. Tous ces exégètes amateurs qui osent critiquer les décisions ubuesques et autoritaires de ce gouvernement se lamentent depuis longtemps, tentent de mobiliser, cherchent le dialogue, mais ne récoltent qu’insultes ou mépris.

Et puis, Martine, camarade, s’il n’y avait que tout cela…

Il y a bien entendu la réponse sécuritaire aux attentats que tu n’évoques que par le prisme de la déchéance de la nationalité. Il y a aussi la réforme terrible du code du travail qui est en préparation. Oui, il y aussi les mots du premier ministre sur les réfugiés. Mais pas que.

Il y a aussi les outils de surveillance massive qui ont été mis en place ou sont sur le point de l’être. Ça, tu verras, entre les mains des futurs gouvernements, ça ne va pas être drôle pour tout le monde. Tu as aimé l’affaire Takieddine ? Tu vas adorer la saison suivante. Encore plus de suspens, encore plus de personnes impliquées, sans doute à gauche, dans le camps qui a voté la mise en place de ces outils. Bref… Nous parlons encore dans le vide, comme souvent.

Oh, la belle verte !

Mais ce que dans ce livre Martine ne se pose pas vraiment comme question, c’est… Pourquoi ? Pourquoi ce gouvernement agit-il autant en contradiction avec les promesses de campagne ?

Ce qui sous-tend ces décisions, c’est peut-être la peur ou l’aveuglement. L’aveuglement, serait de penser que seule la doxa ultra-libérale, en mode TINA gonflé à la testostérone, serait la solution. Qui sait si nos gouvernants ex de gauche se sont convertis ? La peur, elle, pourrait être une autre raison possible. La peur de faire imploser l’Union européenne avec de vraies décisions permettant de réguler un secteur de la Finance, l’ancien ennemi de François Hollande, chaque jour un peu plus fou. La peur aussi, de la crise qui vient.

docteur-folamour

Martine, qui est assez âgée pour avoir un recul historique le sait aussi bien que nous, chaque crise est plus grave plus importante, plus destructrice que la précédente. A un moment ou un autre, les citoyens finiront par comprendre qu’en dépit des promesses, les gouvernants ne font jamais rien pour encadrer les docteurs Folamour qui jouent avec leurs vies. De là peut venir une sorte d’étincelle qui est inquiétante. Et François Hollande ou Manuel Valls le savent, une nouvelle crise approche. Le monde qui vient ne va pas être drôle.

Vous avez entendu parler de la Chine qui a fait plonger les marchés il y a peu. Du Brexit possible qui « inquiète » les investisseurs ? S’il n’y avait que cela…

La création de dette atteint des niveaux impressionnants. Entreprises (métaux, mines, énergie), pays (Japon, Chine, Europe, Etats-Unis, Brésil). Les massives opérations de QE expérimentées par les banques centrales se révèlent incapables de relancer la machine et le mur de la réalité approche à grande vitesse.

Le monde qui vient n’est pas rose (blague… rose… Parti socialiste, #toussa…), Martine il l’est même peut-être moins que tu le crois.

RorschachSignature

Apple versus FBI : le choc des pipeaux

mercredi 24 février 2016 à 19:57
Please Use Back Door

Please Use Back Door – Adam Jones – CC BY-SA 3.0

Depuis une grosse semaine, l’affaire Apple vs. FBI c’est le choc des titans. À ma gauche, Apple, championne de la vie privée. À ma droite le FBI, assisté du Department of Justice. L’objet de la querelle ? Le déverrouillage de l’iPhone de l’un des assassins de la tuerie de San Bernardino au mois de décembre. À lire certains commentaires, la seconde Guerre de la Crypto serait déclarée, le sort du monde se déciderait sous nos yeux inquiets.

Une backdoor pour les gouverner tous

Lorsque l’heureux possesseur d’un iPhone, iPad, ou iPod Touch, souhaite y accéder, le fonctionnement est, très schématiquement, le suivant. Il saisit d’abord son passcode. Celui-ci est transmis au système d’exploitation (l’OS). Un compteur du nombre de tentatives effectuées est incrémenté, puis le passcode est transmis à une fonction de dérivation cryptographique. Cette dernière est intégrée dans le SoC (système sur une puce). Il s’agit d’un élément matériel qui contient différents composants essentiels, notamment le micro-processeur. Un identifiant unique (ou UID), un nombre aléatoire et différent sur chaque iTruc, est codé lui aussi directement dans le matériel, dans le SoC. Cet UID est combiné avec le passcode par la fonction cryptographique, qui « dérive » une clé cryptographique (AES 256 bits en l’occurence) qui est ensuite utilisée par l’OS pour déchiffrer les données.

Au fur et à mesure que le nombre de tentatives infructueuses (le nombre de passcodes incorrects) augmente, et pour ralentir les vélléités d’un éventuel attaquant, le délai entre deux essais s’allonge progressivement. Au delà d’un certain seuil (dix essais par défaut), l’iPhone se verrouille et devra être débloqué par une procédure via le logiciel iTunes. Ou, si le propriétaire a choisi cette option plus radicale, les données contenues par l’appareil seront totalement effacées.

Pour déverrouiller le bazar, il y a plusieurs possibilités. Les deux plus évidentes sont à écarter en l’espèce, puisqu’il s’agit de disposer du passcode (merci Captain Obvious) ou de le deviner en moins de dix essais (merci Élizabeth Tessier).

Ceux qui ont du temps à perdre peuvent s’attaquer en force brute à la sortie de la fonction de dérivation qui fournit la clé. Autant le dire tout de go, c’est pas gagné-gagné. En fait, ceux-là seront sans doute morts avant d’avoir réussi, en tout cas beaucoup plus proche de la tombe. 256 bits c’est tout de même un nombre avec 77 chiffres, ça se traite avec respect.

Les Experts : Cyber tenteront, à grand renfort d’acides et autres produits chimiques, de démonter le SoC pour lire l’identifiant unique (l’UID) avec un microscope qui envoie la ganzou. Si l’opération est théoriquement possible, elle est très compliquée en pratique, sinon infaisable. Il s’agit en effet de microscopiques composants électroniques présents dans une « puce » minuscule mais extrêmement dense. La probabilité de réussir est très faible, le risque d’endommager façon puzzle irrémédiablement le matériel est quand à lui extrêmement élevé.

Mission impossible, alors ? Et bien pas vraiment. En effet, la sécurité de l’engin repose sur l’impossibilité pour l’attaquant d’essayer très rapidement un grand nombre de passcodes. Si l’on court-circuite l’étage qui compte et retarde les tentatives – et in fine déclenche le verrouillage de l’appareil ou la destruction des données – on pourra donc enchaîner très rapidement les essais, jusqu’à ce que le sésame tant convoité soit révélé. Ce shuntage est tout à fait possible, si l’on peut démarrer avec une version de l’OS (et du logiciel de la Secure Enclave, sur les versions les plus récentes des appareils pommés) plus tolérante à cet égard.

« Mais alors, vous exclamez-vous, je suis foutu·e ! Les espions chinois soviétiques du FBI ils peuvent rentrer quand ils veulent dans mon iPhone à moi que j’ai !? » Qu’on se rassure, ce n’est heureusement pas si simple. En effet, le logiciel de démarrage intégré au matériel (la Boot ROM) vérifie que l’OS chargé est « signé » cryptographiquement par Apple, qu’il s’agit bien d’un logiciel autorisé par Cupertino. Apple étant en possibilité de signer n’importe quel OS, la firme peut donc développer une version permettant d’attaquer les passcodes en force brute, et c’est très exactement ce qu’un tribunal, le DOJ et le FBI lui demandent de faire.

Il ne s’agit donc pas d’une « backdoor », comme on a pu le lire ici ou là, mais d’un outil de forensics, d’expertise judiciaire. Apple, contrairement à ce que ses communiqués laissent entendre, peut tout à fait créer une version de l’OS qui ne démarre que sur l’iPhone visé. Pourquoi ? Parce qu’Apple est le seul acteur a pouvoir signer cryptographiquement un tel OS. Ses ingénieurs pourraient donc très probablement y implanter du code de vérification permettant d’identifier le matériel, faisant ainsi en sorte que l’OS refuse de démarrer sur d’autres appareils. Les autres acteurs, le FBI notamment, seraient dans l’impossibilité de signer leur propre version, donc de la faire démarrer sur d’autres appareils pour chaluter les données de leurs propriétaires respectifs.

Apple se défend en faisant valoir que cette version d’OS constituerait « l’équivalent d’une clé-maître, capable d’ouvrir des millions de verrous » :

Bien sûr, Apple ferait de son mieux pour protéger cette clé, mais dans un monde où nos données sont constamment menacées, elle serait attaquée sans relâche par les hackers (sic) et les cybercriminels (sic).

Ouh, ça fait peur ! Et vas-y que ça hurle à la backdoor et qu’on va tous mourir à cause que le FBI il demande à la gentille Apple de créer une clé maître. Sauf que l’argument est totalement bidon : cette « clé maître » existe déjà. Il s’agit de celle qui permet à Apple de signer son OS avant de le distribuer à ses clients. Pour quiconque à cette clé en main, c’est la fête du slip de l’iPhone troué. Apple a donc d’ores et déjà ce problème de sécurisation de « clé maître ». Il n’est donc pas tant question de « chiffrement », ou de l’existence ou non d’un OS FBI-friendly, que du processus de signature cryptographique qu’impliquerait sa création.

Chef, chef ! J’ai fait une iBoulette

Du côté du FBI ou du DOJ, c’est ceinture noire de mauvaise foi cynique, septième dan. Sur l’affaire, d’abord. Le FBI n’est visiblement pas démuni pour conduire son enquête – historique des déplacements, SMS, relevés d’appels, données Internet – ainsi qu’une sauvegarde relativement récente du téléphone dans iCloud. Tout cela sans parler des éléments et témoignages qui n’auront pas manqué d’être recueillis par ailleurs. De l’aveu même de Jim Schrödinger Comey, le quantique directeur du FBI :

Peut-être que le téléphone contient la preuve qui permettrait de trouver plus de terroristes. Ou peut-être pas.

Les deux assaillants avaient pris soin de détruire leurs téléphones personnels après l’attaque, mais pas l’appareil concerné. Il s’agit, qui plus est, du téléphone professionnel de l’un des deux tireurs, Syed Farook. La probabilité de trouver du nouveau sur cet iPhone paraît ainsi bien mince. Passons sur le fait, qui serait hilarant en d’autres circonstances, que ce soit les forces de l’ordre elles-mêmes qui aient maladroitement interrompu les sauvegardes iCloud en essayant d’accéder au compte. Oh, la boulette…

L'iBoulette

Le DOJ avance que seul l’iPhone de Farook serait concerné. On peut légitimement douter de cet argument, dans la mesure où tout ce que les USA comptent de procureurs ou de policiers est déjà dans les starting-blocks pour demander la même chose, à commencer par le procureur de Manhattan avec ses 175 iPhones bien au chaud. Lesquels appareils n’ont pour l’essentiel aucun rapport avec des actions de terrorisme. Ce qui laisse à penser qu’Apple, ainsi que les Google, Facebook et cie, risquent le cas échéant de devoir recruter pour leur SAV des forces de l’ordre.

Autre argument du DOJ, Apple pourrait « conserver le logiciel en sa possession, le détruire une fois l’objectif atteint, et refuser sa dissémination en dehors d’Apple ». Cet argument est, une nouvelle fois, plutôt bancal à en croire un expert auprès des tribunaux US, Jonathan Zdziarski. Ce dernier nous explique que le FBI l’a joué fine, juridiquement parlant. Ainsi, d’un point de vue juridique, le FBI ne demande pas à Apple d’attaquer ses propres produits, chose qu’un juge aurait trouvé excessif. Au contraire, le FBI ne fait que solliciter « l’assistance raisonnable » d’Apple, la fourniture d’un outil, d’un « instrument ». Le FBI se chargera lui-même de « l’expertise ». L’expert précise ensuite les modalités administratives qui régissent la certification des « instruments » utilisés pour les procédures judiciaires (ici, l’OS modifié). Ce processus de validation, lourd et complexe, exigerait par exemple l’intervention du NIST (l’organe de normalisation technique US) pour les tests, d’un comité scientifique, d’experts de la défense, voire la communication du code source dans certains cas. On imagine mal comment cette procédure, qu’il faudrait de plus recommencer à chaque nouvelle modification, pourrait être compatible avec la stricte non-dissémination du logiciel, ou avec sa destruction.

Des perquisitions sous stéroïdes ?

Le « débat » ne brille donc pas par son honnêteté, nombre de propos tenant de la désinformation. Les arguments techniques, juridiques, politiques, affectifs, quoiqu’ils soient distincts (et parfois contradictoires), se superposent néanmoins allègrement dans un immense foutoir de communication alimentant l’opportunisme des uns et des autres. Le FBI et le DOJ instrumentalisent sans vergogne la peur du terrorisme à des fins politiques. Apple, qui collabore de manière routinière avec les forces de l’ordre, déroule impeccablement sa partition, quand la dite collaboration devient gênante, et enfile son costume de parangon de la privacy. Le commandement du tribunal, d’une portée limitée, a été ordonné par une cour subalterne. Apple fera sans doute appel de toutes les décisions lui étant défavorables, invoquera probablement tout un tas de raisons légales ou de procédures pour retarder l’éventuelle échéance et éviter qu’une décision fasse jurisprudence. L’affaire passerait alors de juridiction en juridiction, potentiellement jusqu’à la Cour Suprême, à la vitesse d’une moule lancée au galop. D’ici là, Apple annoncera en grande pompe la sortie de l’iPhone 12 et le dispositif technique, pour peu qu’il voie le jour, sera probablement obsolète depuis bien longtemps. En résumé, toute cette affaire est montée en épingle par les deux parties.

Néanmoins, la mesure sollicitée par le DOJ et le FBI s’inscrit dans un mouvement amorcé de longue date, visant à transformer certaines entreprises en auxiliaires de justice, de police ou du renseignement, au prétexte d’une opposition assez binaire entre vie privée individuelle et sécurité collective, que Reflets dénonçait dans un précédent épisode. Votre ordinateur, votre boîte mail, votre serveur ou votre smartphone se réduiraient à des projections de votre domicile dans le « monde extérieur », un peu comme l’est votre véhicule. Si l’on file l’analogie, ils ne devraient, selon toute logique, pas échapper aux capacités de perquisition de forces de l’ordre dûment mandatées. Après tout, si les amis du petit déjeuner peuvent venir vous faire un bécot défoncer votre porte à six heures du matin (ou au beau milieu de la nuit, état d’urgence oblige), il n’y a pas de raison que votre smartphone leur reste inaccessible. Les « nouveaux téléphones » (sic), d’après le procureur François Molins rendraient « la justice aveugle », excusez du peu. La question serait donc, pour reprendre les termes d’Olivier Ertzscheid, de savoir si votre smartphone devrait « résister à toute forme de perquisition ».

Mettons de côté l’affaire de San Bernardino, dans laquelle la culpabilité des assaillants ne fait, soit-dit en passant, aucun doute, iPhone ou pas. Une perquisition « classique » à votre domicile n’autoriserait qu’une collecte limitée d’informations. Une perquisition informatique – particulièrement sur un smartphone – permet de déterminer avec une précision diabolique l’historique de vos déplacements, vos centres d’intérêt, relations, et probablement une bonne partie de vos opinions. Cette expérience le démontre. Elle ne porte pourtant que sur des « métadonnées » collectées pendant une semaine. Vis-à-vis des perquisitions au domicile, les perquisitions informatiques constituent donc des intrusions beaucoup plus importantes dans la vie privée des personnes visées (présumées innocentes si ma mémoire est bonne), et dans celle de leurs relations. Ce n’est sans doute pas un hasard si les forces de l’ordre en sont si friands… Et si le législateur, tout à son combat pour la Liberté, fait en sorte qu’elles puissent être distribuées avec tant de générosité. Aveugle, la justice ? En y regardant de plus près, on dirait bien que la technologie la dote au contraire de sens hypertrophiés.

Finalement, la rhétorique sécuritaire en ce domaine peut se résumer à un unique argument : l’ubiquité du chiffrement gênerait le travail des forces de l’ordre. En se focalisant sur la cryptographie, on oublie souvent un fait tout simple : il existe des dizaines de choses qui gênent le travail de la police, qui ont été créées par les sociétés démocratiques pour éviter qu’elle ne soit omnisciente ou qu’elle ne dispose d’un pouvoir disproportionné. À ce qu’on nous a dit, certaines lois ont même été inventées tout exprès. Les drones de combats, les machines à voyager dans le temps et le pouvoir de lire dans les pensées, sont autant d’idées formidables qui rendraient sans doute le travail de la police plus efficace. Cela ne signifie pas qu’elles soient réalisables ou souhaitables.

Pourquoi pas, tant qu’on y est, interdire aux gens d’essayer de préserver leur vie privée ?

Oh, wait.

Mise à jour 09/03/2015 : fait qui nous avait échappé en première analyse, le FBI semble également mentir (on finit par se demander sur quoi l’agence ne pipeaute pas) sur la manière dont le redouté « auto-effacement » fonctionne. Ce ne sont pas les données qui sont effacées par cette dernière, mais une clé qui peut être sauvegardée et être restaurée entre les tentatives. Voir cet excellent article de l’ACLU pour les détails.

Nokia Siemens, Hacking Team et Finfisher sont sur un bateau… Moubarak tombe à l’eau

mercredi 24 février 2016 à 19:08

dauphinThe Verge a aujourd’hui publié un article faisant référence à une enquête de Privacy International (PDF) sur l’implication de sociétés européennes (Nokia Siemens, Hacking Team et Finfisher) dans la surveillance électronique égyptienne opérée par le Technical Research Department (TDR).

Le combo parfait et le « meilleur » des deux mondes

Hacking Team et Finfisher proposent tous deux des suites offensives, permettant la compromission ciblée ou « semi ciblée » (comprenez que ce n’est pas bien grave si on infecte 50 personnes avec un malware pour en placer une seule sous surveillance « légale »). Les deux entreprises, dans leur approche, s’opposent à, ou plutôt complètent, l’approche « p0wn’em all » de Nokia Siemens, une approche que nous connaissons bien puisqu’il s’agit de la même que celle d’Amesys (NDLR : qui vend des supers stylos) ou que celle de Qosmos (NDLR : qui vendait aussi des supers stylos mais qui ne fonctionnaient pas)

En combinant ces stratégies de surveillance, on obtient un filet dérivant qui ratisse le plus large possible, puis on vient faire son marché à l’épuisette dans notre filet dérivant, c’est bien pratique.

– Les dommages collatéraux ?
– Tout va bien mon colonel, c’est une cyber guerre, ça ne fait que des cyber morts.

Enfin ça, c’est quand il n’y a pas de révolution.

La légalité… ce cache-sexe

La loi, c’est toujours ce que vous brandira un vendeur d’armes pour venir patcher un sens de la morale aux contours un peu trop larges. Exemple :

« Nokia actively takes steps to ensure that the technology we provide – legally and in good faith – will be used properly and lawfully, »

Voilà ce que révèle l’enquête de Privacy International

« NSN also sold to the TRD – in 2011 or before – an interception management system and a monitoring centre for fixed and mobile networks. These two technologies offer mass surveillance capabilities, enabling the Egyptian government to intercept phone communications of any line routed through the interception management system. »

L’Égypte aurait donc utilisé une solution de surveillance massive « correctement et légalement ». Un peu comme les ricains vous larguent une bombe atomique sur Hiroshima « correctement et légalement ». Chez Nokia Siemens Networks, on ne vend pas de stylo bionique mais on fait du Deep Packet Inspection chirurgical. D’ailleurs, Nokia Siemens ajoute qu’ils ont été précurseurs dans leur approche de DPI chirurgical. Attention, gogogadgeto phrase :

« We were the first telecommunications vendor to define and to implement a human rights due diligence process to mitigate the potential risk of product misuse. »

D’ailleurs, Nokia Siemens Networks en connait long sur l’utilisation « correcte et légale » de ses solutions puisqu’elle s’était déjà faite la main en 2008 sur l’Iran (par l’entremise de Siemens Intelligence Solutions, devenue Trovicor) qui avait même parait-il un niveau de correction et de légalité niveau « human rights », encore plus élevé que l’Egypte de Moubarak.

Mode cynisme off

Une fois de plus, des sociétés européennes ont vendu des technologies de surveillance massive, intrusives, à un pays qui les utilisé massivement mais « correctement et légalement » contre sa population. Une fois de plus un peuple a renversé un régime. Une fois de plus nous avons la démonstration que la surveillance de masse d’une population conjuguée à l’oppression est un fantastique catalyseur de révolutions.

Politique fiction : dans la peau de pépère président

samedi 20 février 2016 à 21:21

francois-normal

Qui est-il vraiment ? Pourquoi agit-il à l’inverse de ses promesses de campagne, de l’idéologie politique dont il est issu ? Que veut-il ? Avec qui négocie-t-il véritablement ? Quels objectifs a-t-il ? Nous avons tenté l’expérience de nous mettre dans la peau de François Hollande, le chef de l’Etat français élu en 2012 sur un programme de gauche, et qui, 4 ans plus tard, applique une politique sécuritaire d’extrême droite doublée d’une politique sociale de type « droite libérale ». Rassurez-vous, l’expérience n’a duré que quelques heures. Mais suffisamment pour récupérer les pensées intimes de « celui qui avait comme ennemi la finance ». Toute cette histoire d’être dans la peau de François Hollande n’est bien entendu qu’une pure fiction. Tout le monde sait qu’il est impossible de pénétrer les pensées intimes d’un être humain…

Moi, président… je n’y croyais pas !

« Je ne pensais pas être élu en 2012. Les primaires socialistes, ça avait mal commencé, j’étais crédité de moins de 10% d’intentions. Et puis, jouer le jeu des primaires ça m’amusait, mais de là à aller à la présidentielle, franchement… Et voilà que je la gagne, la primaire, sans trop savoir comment. Peut-être le coup du « président normal ». On tenait un truc, le principe de l’opposition des genres, un miroir inversé : Moi, Hollande, l’exact opposé du détestable et détesté Sarkozy. Lui, excité, agité, moi, calme, posé. Lui, toujours en train de se mettre en avant, moi, effacé, humble. Le principe, on me l’avait expliqué, c’était tout bête : face à l’hyper-président Sarkozy il me suffisait de jouer le « président normal ». Une sorte de jeu du ‘good and bad cop’ des séries américaines. Mes conseillers ont bien joué le coup, ça c’est certain. Pour ce qui était d’avoir un programme, avec des projets, c’était plus compliqué, parce qu’au Parti on n’arrivait à rien depuis 2002, mais tout le truc c’était de jouer sur la corde sensible de la respiration démocratique cassée par l’excité, et puis suivre la voie de la lutte contre les banquiers et les financiers qui avaient ruiné la planète avec la crise de 2008. Sarkozy s’était tout pris dans la tête, il avait creusé la caisse comme jamais, il suffisait d’arriver en montrant des gages de redresseur de torts. Avec lui, c’était pas très compliqué, vu le nombre de bourdes qu’il avait commises et son image d’amis des riches qu’il se trainait depuis le début de son mandat. »

Mon modèle : Jacques Chirac

J’ai tout appris de Jacques. J’étais très jeune quand il allait flatter le cul des vaches au fond de la Creuse ou de la Corrèze, mais franchement, qui aurait parié un seul nouveau franc sur lui pour gagner une présidentielle ? Jacques, c’était un éternel loser depuis 20 ans quand il a remporté la présidentielle de 1995. C’est ça qui m’a fait dire que moi aussi je pouvais y arriver, en fin de compte. Et faire comme lui : dire n’importe quoi qui puisse convaincre les deux camps de voter pour moi, et jouer sur la synthèse, le côté « bon pote rigolo qui n’est pas vraiment d’un côté plus que de l’autre ». Le modèle que m’a offert Jacques, c’est ça : faire des blagues, taper dans les mains de tout le monde, montrer qu’on est d’un côté de l’échiquier politique parce qu’il le faut bien, mais qu’on pourrait être de l’autre. Tout promettre, ne jamais se démonter, et dire l’inverse de ce qu’on fait en souriant, sans même lever un sourcil.

Servir les intérêts des plus forts en souriant aux faibles

« Ca n’a pas été facile au début du quinquénat, parce que j’y étais allé un peu fort avec le discours du Bourget. Les conseillers m’avaient dit « tu as des points à récupérer sur la gauche de la gauche, il y a Mélenchon qui progresse, il fait le plein dans ses meetings, et il est à 18% ». C’était très ennuyeux, je risquais de ne pas aller au second tour. Parler plus fort que Méluche, ça m’a amusé, surtout quand j’ai parlé de « l’ennemi qui n’a pas de visage », là, j’ai senti que ça frémissait. Et puis quand ils m’ont appelé, les camarades de promo de l’ENA, et tous ceux avec qui je déjeune souvent et qui dirigent les établissements financiers, je les ai rassurés. Ils ont bien compris que c’était juste un truc à la Chirac, comme la « fracture sociale de 95 ». Pour le TSCG (le traité européen sur la convergence qui force à l’austérité budgétaire), pareil, ils m’ont demandé si j’étais sérieux, parce que l’interdiction des déficits, ils y tenaient, c’étaient eux qui qui l’avaient écrit le traité, et ils n’allaient pas s’assoir sur un traité qui leur donnerait — pour les 20 ou 30 prochaines années — un maximum d’opportunités pour accélérer les réformes européennes de libéralisation économique et financière. J’ai dit en rigolant « vous inquiétez pas, de toute façon, je ne peux pas y arriver, même si je voulais, Angela va tellement gueuler, que c’est impossible de le renégocier ». Et j’avais raison. Mais je ne voulais pas froisser Angela, alors, je n’ai même pas tenté de renégocier le TSCG, parce qu’en fait, les « sans dents » ne savaient en fait pas ce que c’était et qu’il fallait faire oublier cette promesse qui ne menait nulle part. Surtout pour moi. »

Le débat, la victoire, et la quille !

« Ce truc de l’anaphore, c’était une trouvaille. Je ne pensais même pas qu’il me laisserait en dire plus que deux ou trois, l’autre andouille, et je suis allé jusqu’à 17 ! « Moi président, je ne placerai pas mes potes à des postes clés, moi président, je respecterai mes engagements, moi président… » C’était une trouvaille de Patrice, un jeune, qui a travaillé dans le marketing viral, et là, il a fait fort. Je pense que c’est ce qui m’a fait gagner. Surtout que l’excité est resté bouche-bée, il ne savait plus quoi faire. C’est l’un de mes meilleurs souvenirs politiques. Après, quand j’ai gagné, j’ai sauté dans un avion pour aller fêter ça de mon patelin de bouseux. Valérie m’a fait une gâterie dans le Falcon, elle m’avait promis de le faire, si je l’emportais. Et après, c’est Julie qui s’y est collée, sous le bureau, quand j’ai demandé à m’isoler pour prendre du recul. Oui, je l’avais déjà dans la poche l’actrice. Elle sentait bien que je pouvais y arriver, et elle a bien misé. Ca y’était, j’y étais, et là les téléphones ont sonné. J’ai expliqué et rassuré, expliqué que tout allait bien se passer, oui, oui, comme avec Jacques, il ne fallait pas qu’ils s’inquiètent, je n’allais pas faire du social ou de l’anticapitalisme, non, non. Je leur ai rappelé que j’avais voté le traité de 2005, et ensuite celui de 2008, et que j’avais toujours été favorable aux réformes libérales de l’Union. Si ça n’étaient pas des gages, ça ! »

Scooter, teinture et  toréro

«  les deux premières années à essayer de ne rien faire, comme Jacques, en plaçant ces imbéciles qui croyaient à la gauche sociale, etc, les Montebourg, Duflot, Hamont et compagnie, j’ai compris que je n’arriverais pas à tenir les 5 ans. Jacques, c’était à une autre époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux, et toute la comm’ qui pourrissait mon image.

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C’est là qu’on a eu une idée géniale avec Patrice : et si on montait un gouvernement décomplexé ? Ca, c’était quelque chose qui pouvait secouer un peu le cocotier et mettre des bâtons dans les roues de Coppé, Juppé, Fillon et compagnie. J’ai viré Ayrault -le-mou et mis Manuel le toréro à sa place. Du grand art, je suis toujours très fier d’avoir fait ça. Il a viré les pseudo-gauchos qui m’encombraient et placé des durs, Cazeneuve, Le Drian, Sapin, puis Macron : bref, ça commençait à ressembler à quelque chose qui pouvait vraiment déplacer les repères. On a mis en place les systèmes de surveillance et de sécurité que Bauer nous demandait depuis le début, et là, on pouvait, parce qu’on était décomplexé, même sans attentats. Et le bouquet ça a été justement les attentats de janvier 2015 :  la loi renseignement que les Américains nous avait commandée était prête, mais la faire passer était compliqué. Avec Charlie Hebdo, ça a été plus que facile. Manuel avec son doigt pointé et sa mâchoire crispée est franchement bon, les photos de lui en action frappent les esprits. » Je ne parle même pas du 13 novembre et de la déchéance, parce que ça, c’est un bonus : Les ripoublicains ils sont encore sciés que j’ai repris la proposition de leur champion de 2010 ! »

Dernier virage avant la sortie par le haut… des urnes ou d’un CA

« Pour conclure le mandat, j’ai trouvé la stratégie idéale qui me permet de sortir par le haut. En fait, en 2017, je me présenterai, parce que la conjoncture économique va me permettre d’arroser le pays d’emplois aidés et d’incitations financières aux entreprises. Surtout les grosses. Le pétrole est au plus bas, on rentre des milliards qui n’étaient pas prévus et l’euro est toujours  faible. Même si ce n’est pas grand chose, je vais arriver à faire baisser un peu cette courbe, c’est quasi sûr. Surtout que je viens de balancer mon dernier coup, qui va paralyser mes concurrents de LR : El Khomri Makhri. Une demi-arabe, jeune, qui propose une réforme du travail écrite par le Medef ! Juppé est en train de manger son chapeau, j’adore ! Ca va occuper les foules pour les 6 mois à venir, et ça va totalement les griller. L’excité a deux mises en examen, et plus de 10 comparutions dans des affaires judiciaires, il n’arrivera pas à la primaire et si c’était le cas, il ne fera rien. Juppé est le seul qui peut passer. Et comme il veut jouer au type de droite gentil, au gaulliste un peu social mais quand même ferme et proche des entreprises, avec El Makhri et Valls, il n’a plus rien. Il ne peut pas faire plus, ni critiquer, ni trouver ça trop à gauche, puisque la réforme de la demi-Marocaine et les coups de mâchoire d’El torero c’est ce qu’il voudrait faire ! La blonde du borgne peut atteindre 18% au premier tour, mais avec la pétoche qu’on va mettre à tout le monde, elle ne fera pas plus. Les gauchos expliquent à tout-va que si elle passait, avec les lois renseignement et l’Etat d’urgence constitutionnalisé ce serait une dictature, ils vont donc permettre de regrouper toutes les voix vers moi ou le chauve. EELV est mort, j’ai aspiré la grosse qui a trahi tous ses petits amis écologistes, et Mélenchon il ne sait même plus si Georges Marchais était un Communiste ou une marque de Camembert. Et on sera au second tour, Alain et moi. Et pas elle. A moins qu’elle lui bouffe des voix, et dans ce cas là, c’est gagné, parce qu’en face d’elle, je fais au moins 70% en appelant au Front républicain. Mais si c’est Alain, je peux parfaitement le griller, parce qu’il n’a rien : je suis autant européiste que lui, je fais des guerres à l’extérieur, je suis sécuritaire, libéral, pro-entreprise, et je suis aussi calme que lui.. Et moins chauve, avec une teinture au top. De toute façon, si je perds, ce n’es pas très grave : j’ai déjà ma place dans des Conseils d’administration de multinationales, comme Blair ou Schröder, mes deux autres modèles après Jacques, mais qui sont des modèles socio-démocrates, eux, au moins. En réalité, je m’amuse beaucoup. Et je resterai dans l’histoire. Surtout pour le scooter. Mais aussi pour avoir réussi à faire disparaître la gauche du paysage politique. Et ça, c’est un tour de force. Même Sarkozy n’y était pas arrivé, et pourtant il avait bossé dur pour ça. Bon, je crois que j’ai encore envie d’une gâterie. J’appelle Julie, ou bien j’utilise le mobile sécurisé pour demander du matériel à Dominique ? »