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#EELV : avoir raison sur tout n’est pas politiquement payant (reportage #Tuppervert)

jeudi 8 octobre 2015 à 14:37

eelvslogan

La pratique de la politique en France — et potentiellement un peu partout ailleurs dans les grandes démocraties — est basée sur un concept simple à résumer : chaque parti politique fait une analyse des problèmes de sa société, une sorte d’inventaire, et procède ensuite à une liste de solutions, avec des priorités dans leur application. Puis chacun d’entre eux explique que si ces solutions étaient appliquées, elles règleraient les problèmes pointés, ou tout du moins, les amoindriraient. Problèmes dans une société : solutions politiques. Améliorer. Réduire les aspects négatifs. Progresser.

Etrangement, un parti politique un peu à part dans le panorama français n’arrive absolument pas à convaincre les électeurs : Europe Ecologie Les Verts. Pourquoi — alors que les problèmes écologiques sont centraux — le seul parti politique à les analyser, amener des solutions sur ce sujet qui touche tous les pans de la société, ne trouve-t-il quasiment aucun écho auprès des citoyens ?

Réunion Tuppervert : introduction

EELV n’est pas un parti comme les autres, et il n’est pas composé, en « région » tout du moins, de candidats classiques. Ce ne sont pas des « politiques », ce sont des gens militants, qui ne pratiquent pas la langue de bois. Cette soirée intitulée « Tuppervert » et organisée chez un membre d’une association en est la preuve.

Le concept est simple : des candidats EELV aux régionales proposent d’aller manger chez ceux qui veulent bien les recevoir pour discuter. L’hôte s’engage seulement à inviter des personnes pour ne pas se retrouver entre quatre yeux, et que le débat puisse exister. La réunion Tuppervert de mardi soir était composée du candidat tête de liste EELV, de la deuxième tête de liste des prochaines élections d’une région française, et deux autres membres d’EELV. Six citoyens non militants, non-élus, étaient présents.

Synthèse de la soirée, et un peu plus…

La définition de l’écologie (demandée par l’un des participants)  que la seconde tête de liste donne, fait mal au crâne, devient une sorte de longue litanie de problèmes : elle finit par avouer que « c’est compliqué » (de définir l’écologie, ndlr). Le candidat tête de liste est un maire-paysan, en (agriculture bio depuis plus de 30 ans). Les trois autres ne se définissent pas par leur métier ou leur poste. La discussion va bon train, autour de leur vision politique, de ce qu’ils veulent, de pourquoi ils se présentent, militent, etc…

Du côté du maire-paysan, les choses sont très claires : les problèmes et solutions qu’il souligne se situent essentiellement au niveau de l’agriculture, de l’alimentation, des modes de production agro-alimentaires. Pour lui, la société va mal parce que les filières courtes, anciennes, ont été abolies par les industriels : perte de qualité, problèmes de santé, coûts, emplois détruits, consommateurs piégés, etc…

Mais si le « dada » politique du maire-paysan écologiste est très parlant, concret (et parfaitement écologiste) celui des autres membres d’EELV l’est nettement moins, et est bien plus représentatif du « problème » que ce parti traîne avec lui.

Refuser les priorités et globaliser les problèmes : tout pour faire fuir

Le discours central — sincère — des écologistes présents à cette soirée (et que l’on retrouve en permanence à EELV) peut se résumer de la manière suivante : nous vivons dans un monde en totale déliquescence, qui se meurt, puisque la nature est pourrie par l’homme. Il faut donc changer de modèle pour empêcher le pire. Les activités humaines sont donc néfastes et vont précipiter la perte de l’humanité. Suivent des listes de problèmes : les pollutions et leurs conséquences, l’énergie nucléaire, l’agriculture intensive, les transports, la surconsommation, la malbouffe, la rareté énergétique…

Il est difficile de retenir tous les problèmes soulevés tellement ils sont nombreux, et chaque membre présent autour de la table de hocher la tête puisqu’il est (heureusement) difficile de trouver un individu qui verrait un côté positif à la pollution, à la dégradation de la santé ou à la dangerosité de l’énergie nucléaire…

Cette liste à la Prévert des problèmes à résoudre, donne le tournis. Il est donc demandé par un citoyen présent autour de la table si des priorités ne seraient pas utiles, pour tenter d’envisager une faisabilité concrète ? La réponse vient avec le prospectus national d’EELV et son slogan : « sauvons le climat ». Ce serait donc la priorité numéro 1 et l’objectif du parti écologiste français. Sauver le climat.

Peut-on sauver le climat d’une planète ? Les Français équipés au tout-nucléaire sont des acteurs de rejets de gaz à effet de serre infimes au niveau mondial, pourquoi donc les appeler à quelque chose qui n’est pas directement de leur ressort ? Au delà de l’absurdité de ce slogan très marketing (on ne sauve pas un climat (!) et puis si l’on réfléchit bien, les Français passeraient de 0,8% d’émissions actuelles planétaire de GES à 0,5%, que le climat n’en serait pas modifié positivement pour autant), pourquoi ne pas parler en priorité des problèmes directs, locaux, qui concernent les gens au quotidien ?

Qui est le communiquant qui a bien pu inventer ce slogan du climat qui ne vote pas ?

La disparition des abeilles, et autres insectes pollinisateurs n’est pas mise en avant, ainsi que l’accélération de la destruction de la biodiversité, ou de la pollution de l’air et l’explosion des cancers. La réponse des membres d’EELV, face à ce constat, est certainement l’essence même de la problématique de ce parti : « C’est vrai, mais tout est important, tout est lié, on en parle aussi, il faut s’attaquer à tous les problèmes, mais le problème principal de l’humanité qu’on met en avant qui relie tout, c’est le changement climatique« .

Dichotomie sincère et paradoxe sociétal

« Penser local, agir global » pourrait être le résumé de la pensée écologiste renvoyée par les membres d’EELV de cette soirée. A l’exception du maire-paysan, mais il a peu parlé… Ce « penser local, agir global » est une dichotomie étonnante puisque le slogan revendiqué de l’une des militantes est le slogan écologiste bien connu (et inverse) : « Penser global, agir local ».

EELV demande aux gens de voter pour eux afin que le parti se préoccupe d’enjeux planétaires, qui ne concernent pas de façon directe la vie quotidienne des citoyens. Sur leur bonne foi et sur une hypothèse cataclysmique, celle du changement climatique de plus de 2 degrés qui devrait survenir. Mais EELV, dans le même temps, explique aux gens que tous les autres problèmes sont aussi très importants et doivent être réglés. Dont celui de l’énergie, des transports, et de la responsabilité des citoyens, qui doivent « faire quelque chose pour abaisser leur pollution ». Le diesel est abordé : il faut que les gens arrêtent de rouler en diesel. Il faut arrêter les énergies fossiles.

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Ce paradoxe sociétal renvoyé par EELV est le suivant : expliquer aux gens qu’ils sont une partie du problème et que la société dans laquelle ils vivent doit changer, en leur faisant perdre de leur autonomie (économique ou de mouvement), en premier lieu, tout en expliquant qu’ils sont en train de mourir à petit feu à cause de choix politiques qui leur échappent, mais qu’ils devraient juste accepter de changer de mode de vie et de modèle de société en votant pour des équipes qui s’attellent avant tout à… sauver le climat d’une planète (sic), planète qui devrait devenir invivable dans 50 ans, parce que la température pourrait augmenter de plus de 2 degrés. Ouf.

Courir après plusieurs lièvres… c’est revenir bredouille

Que les membres d’EELV aient « raison sur tout » est certainement vrai. Il faut sortir du nucléaire. Il faut sortir des énergies fossiles, il faut empêcher la destruction de la biodiversité, il faut être sobre en énergie, il faut protéger la santé de tous, il faut arrêter le modèle de société d’hyperconsommation, de surproduction, il faut arrêter les filières longues agro-industrielles pour basculer dans les filières courtes et majoritairement agro-écologiques, changer de modèle de production agricole, de mode de travail.

Cette utopie de « tout changer », parce qu' »un autre monde est possible » ne peut pas survenir en courant tous les lièvres à la fois. Il n’est pas possible de convaincre des gens que ce nouveau monde est possible en s’attaquant à tous les pans de l’existence. Parce qu’il n’est pas possible de s’attaquer à tous les pans d’une société en même temps.

Ne serait-il pas plus pertinent « écologiquement parlant » d’aider financièrement les gens qui achètent et mettent en terre chez eux des plantes mellifères ou des haies champêtres ?

C’est pour quoi, pour les politiques — qui ne veulent pas changer grand chose, mais démontrer qu’ils sont conscients des problèmes d’environnement et d’écologie — la solution a été toute trouvée : « sauver le climat » (en organisant la COP21 entre autres) et tout miser sur une unique cause-facteur négatif environnemental/écologique : le CO2.

Il n’y a pas besoin de changer de modèle de société, pas besoin de commencer à faire de l’écologie si toute l’action politique à vocation écologique est centrée sur les seules énergies fossiles et le CO2 au premier rang. Ce qui se profile est un changement de modèle, mais avant tout de modèle énergétique et économique. La pollution des eaux, des terres, la destruction de la biodiversité ne seront pas stoppées dans un monde décarbonné, puisque toujours assis sur la croissance économique, les marchés financiers, et la productivité industrielle maximale.

La bataille de l’énergie sera gagnée, c’est certain, et celle de l’écologie ?

Si tous les grands partis politiques de gouvernement des pays industriels ont décidé de faire de la lutte contre les gaz à effet de serre leur priorité écologique depuis des années, ce n’est pas anodin. Les modèles économiques ont déjà basculé (pas changé fondamentalement, juste basculé) par ce biais, mais l’environnement n’est pas mieux protégé. Au contraire : les pollutions ne cessent de progresser, avec leurs lots de maladies et de destructions. La biodiversité s’écroule toujours dans un monde ultra-industriel, même s’il est en cours d’être décarbonné avec des énergies renouvelables installées en masse dans les grands pays émetteurs de CO2.

Pourquoi ne pas mettre en priorité comme action écologique centrale la protection des ressources naturelles, comme l’eau et la terre ? Commencer par expliquer aux citoyens que leur santé, leur bien-être est entièrement dépendant des modes de productions agricoles, industrielles, et que participer à faire changer ces modèle — en premier lieu — est indispensable ? S’attaquer à réduire les pollutions des terres et de l’eau est le seul moyen de préserver la biodiversité. La biodiversité n’est pas détruite par les GES dont le CO2 au premier chef. Les gens le savent.

Pourquoi EELV brandit-il « l’écologie financière » de lutte contre les émissions carbone, tout en appelant à modifier tous les autres aspects de la vie quotidienne, au lieu de proposer une lutte concrète, un changement possible, qui touche les gens de façon concrète, et dont les effets se ressentiront sur la santé de tous ?

Pourquoi le combat de l’écologie, qui est en réalité de protéger la biodiversité, de participer à « jardiner » la nature en la préservant plutôt qu’en la détruisant, est-il devenu une sorte de combat holistique contre les activités humaines dans leur ensemble, et l’émission de CO2 en particulier ?

Une politique écologique à recentrer ?

La réunion Tuppervert de mardi soir représente bien le problème actuel, mondial, de l’écologie politique. L’écologie politique n’a plus d’espace d’écoute populaire parce qu’elle parle de tout, sans parler de quelque chose en particulier. Qu’elle veut « changer la vie » des gens d’un pays, tout en voulant sauver l’humanité toute entière. Qu’elle veut faire disparaître des habitudes, des conforts chèrement acquis par les populations, pour le bien de tous, sans compensations ni même incitations particulières, sur la peur seulement d’un lendemain apocalyptique climatique. Les discussions autour des transports symbolisent bien ces contradictions.

EELV peut tout faire, le café chez vous, pédaler gratuitement pour votre électricité, promener votre chien : c’est une énergie nouvelle !

Le discours autour des véhicules diesel « qui doivent disparaître » est effarant. 70% des Français ont des diesel, 50% des foyers fiscaux sont trop faibles économiquement pour payer des impôts sur le revenu et il faudrait pourtant qu’ils changent leur véhicule et s’équipent de voitures neuves propres ?

Dans le même temps, à aucun moment de la discussion, le ferroutage n’a été abordé. Alors que l’on sait que la pollution diesel est massivement causée par les transports routiers de poids-lourds. Cette pollution n’est pas le fait principal des véhicules des particuliers, et c’est la qualité de l’air qui est en jeu avant tout, une pollution très concrète et directe, pas hypothétique dans un futur plus ou moins lointain. Cette volonté de ne plus pointer les choix (et solutions) politiques des transports par poids-lourds, pour parler avant tout des pollutions des particuliers-électeurs qui ne peuvent pas changer leur mode de transport, est étonnante.

EELV est un parti certainement composé de gens honnêtes et engagés, humanistes, et très conscients des problèmes écologiques, sociaux, qui touchent la société. Il semble par contre, que si les discours — faits de multi-objectifs — ainsi que la vocation politique concrète d ‘EELV, ne sont pas recentrés, il restera un parti d’altermondialistes-utopistes qui ont raison sur tout, mais avec très peu de citoyens qui veulent les voir arriver aux responsabilités.

A la fin de la soirée, les membres d’EELV sont repartis avec leurs véhicules diesel et véhicules essence.

Edit du 9/10 : « et véhicules essence ».

Le seul autour de la table à avoir accompli une transition énergétique complète en produisant intégralement son électricité au solaire dans une maison bioclimatique écologique, (et possesseur d’un véhicule hybride) … était l’auteur de ces lignes.

Ce n’est pas très sympathique de le dire, mais ça ne s’invente quand même pas.

Snowden dévoile les schtroumpfs du GCHQ

mercredi 7 octobre 2015 à 18:00

C’est une nouvelle annonce du plus célèbre lanceur d’alerte de tous les temps, Edward Snowden, qui a convié la BBC à venir discuter en Russie. La révélation est simple, elle concerne un programme offensif du GCHQ (les services d’écoutes britanniques) nommé « smurf » (schtroumpfs) qui permet de prendre le contrôle d’un smartphone en mode discrétion totale, à partir d’un sms chiffré sans notification à l’utilisateur et donc… invisible.

L’exploit est semble-t-il bien fait, très efficace, et les schtroumpfs embarqués dans votre « téléphone intelligent » peuvent s’en donner à cœur à joie. Olivier Iteanu, l’avocat spécialisé en droit numérique — contacté par téléphone — est très clair : c’est de la violation de propriété privé, de l’accès frauduleux, c’est interdit par la loi. Pour autant, le gouvernement britannique explique que « tout est sous contrôle, tout est fait dans les règles de l’art » — circulez, il n’y a rien à voir.

Nous vivons une époque très particulière.

 

 

Radio-France : garde à vous ?

mercredi 7 octobre 2015 à 10:38

Radio-FrancePeut-être ne faut-il y voir aucun lien de cause à effet, mais la demande très étrange de la DRH de Radio France intervient peu après la nomination du nouveau responsable de ce service. Le 1er septembre, Mathieu Gallet a nommé Jean-Claude Luciani directeur délégué à la Stratégie sociale et aux Ressources humaines, membre du comité exécutif. Le parcours de ce monsieur est très intéressant.

« Jean-Claude Luciani, 57 ans, était, jusque-là, conseiller social au cabinet d’Emmanuel Macron, au ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique. »

On pourrait donc imaginer qu’un conseiller social a la fibre…. sociale. Ceci dit, vue la fibre sociale d’Emmanuel Macron, le doute est permis.

Par ailleurs, Jean-Claude Luciani a une carrière « militaire » assez conséquente.

« Jean-Claude Luciani a débuté sa carrière en 1982 en tant qu’Officier de l’Armement à la Direction des Constructions Navales (DCN). Il intègre la Délégation Générale de l’Armement (DGA) en 1993 comme chef du bureau des Etudes économiques et du Commerce extérieur d’armement. « 

Après « Vos papiers ! », « garde à vous ? »

Alerte : Daesh et les migrants pourraient envahir Radio France

mardi 6 octobre 2015 à 17:27

Abu-Bakr-al-Baghdadiv2Mais que se passe-t-il à Radio-France ? En fin de semaine dernière, plusieurs personnes reçoivent un coup de fil gêné de la part de membres de la DRH. Il faudrait qu’ils envoient une photocopie de leur carte d’identité. Plusieurs personnes contactées sont d’autant plus intriguées qu’elles ont déjà fourni leur carte d’identité il y a très longtemps. A force de discuter dans les couloirs de la maison ronde, les concernés se rendent compte que le seul point commun est leur nom de famille. Ces noms sont d’origine africaine ou nord-africaine. Certains sont français, travaillent à Radio France depuis 30 ans, d’autres sont nés à l’étranger mais sont devenus français. Les explications, quand la maison ronde veut bien en donner, sont variées. Une société extérieure va s’occuper d’un truc et a besoin des cartes d’identités. C’est nécessaire pour une mise à jour du système de paye… Plus exotique, « avec Daesh et les migrants, tout ce qui se passe en ce moment… ». Où l’on comprend que les réfugiés ne viennent pas profiter de nos royales allocations et autres protections sociales, mais plutôt pour devenir, qui journaliste, qui présentateur, qui monteur… Quant à Daesh, on se doutait bien qu’ils avaient besoin d’un média puissant comme Radio-France pour diffuser leur message mortifère.

Loi sur le renseignement : le storytelling et les faits

mardi 6 octobre 2015 à 17:07

nsa-obama-hollandeÇa  allait être super, cette Loi sur le renseignement. Que du bon. Enfin, on allait encadrer des pratiques a-légales. Enfin, on allait surveiller les surveillants avec une commission ad-hoc, bien dotée. Enfin, on allait prendre en compte la nécessaire protection de la vie privée. Jean-Jacques Urvoas nous l’avait promis. Manuel Valls, Bernard Cazeneuve aussi. Tous à l’unisson. Au Parlement, nos représentants votaient quasiment à l’unanimité ces nouvelles mesures. Et l’on pouvait désormais crier en coeur : « L’écoute massive, c’est la protection de la vie privée« . Si, si.

Dans le même temps, le gouvernement, pour une fois extrêmement bon communiquant, bâtissait un autre storytelling qui allait prospérer au delà de toutes les espérances dans la presse : il y aura des « boites noires » et « un algorithme ». Et pourtant… De boites noires, il n’y en aura pas. Pas de celles vaguement décrites par le gouvernement. Quant à « l’algorithme », il sera multiple. Lourdement multiple.

Que reste-t-il aujourd’hui de cette loi dans les faits ? Pas grand chose. Ce n’est pas une surprise, mais cela vaut le coup de prendre quelques minutes pour observer.

La CNCTR, tout d’abord, qui a été prévue pour surveiller les surveillants.

Un homme des services pour les surveiller

Son président Francis Delon était à la tête du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. C’est dire sa proximité avec les services de renseignement. Qui mieux que lui pour surveiller les services ? Il est heureux que le gouvernement ait choisi un homme du sérail plutôt qu’une personnalité reconnue pour son engagement dans le domaine de la protection de la vie privée, du droit à la confidentialité des échanges, des Droits de l’Homme… Cela aurait pu entraver le bon déroulement des opérations à venir. Francis Delon était secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale jusqu’en 2014. C’est bien pratique parce qu’à ce titre il a pu tisser des liens avec des hommes encore à la tête des services.

« Mon parcours professionnel offre toutes les garanties au regard des exigences d’indépendance et des règles de déontologie fixées
par la loi pour l’exercice des fonctions de président de la CNCTR. Je connais les services de renseignement pour m’être notamment
servi de leurs analyses dans les fonctions de secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale que j’ai occupées jusqu’en 2014, avant de regagner le Conseil d’Etat. Connaissance ne signifie cependant ni connivence ni complaisance« , a précisé Francis Delon dans ses réponses aux questions des parlementaires. On est priés de le croire sur parole pour ce qui est de la complaisance et de la connivence.

Comme le savent les lecteurs de Reflets depuis 2011, la France, ses gouvernements de droite comme de gauche, ses entreprises, ont joué un rôle très important dans la mise sur écoute de populations de pays entiers. Pour la très grande majorité, il s’agissait de dictatures pures et dures ou d’Etats policiers. Dans la mise en place de cette infrastructure et dans cette stratégie commerciale consistant à vendre à des gens peu recommandables, plusieurs entreprises ont joué un rôle. C’est le cas d’Amesys, de Qosmos, bien entendu, mais aussi une société moins connue : Sofrercom. Qui de plus évident qu’un dirigeant de Sofrecom pour tenir le rôle de personnalité qualifiée au sein de la CNCTR ? Patrick Puges, pourra observer de près « l’algorithme » ou « les boites noires » qu’il doit par ailleurs déjà bien connaître puisque Sofrecom les a mis en place en Syrie ou en Éthiopie.

Tout cela contribuera, on s’en doute à la bonne protection de la vie privée des Français sous le règne de la Loi sur le Renseignement. Sans « connivence ni complaisance« , on vous dit.

De la cryptographie pour votre protection, ou pas…

Après le bâton (la Loi sur le Renseignement), la (supposée) carotte. Pour vous montrer que l’on prend en compte les problématiques de surveillance, les dangers d’intrusion dans votre vie privée, on imagine une autre forme de storytelling. Celui-là n’est pas mal du tout. Il permet de ne pas laisser penser que l’on est insensible à la problématique posée par les révélations Snowden et de faire croire que l’on est favorable au chiffrement des échanges. Le gouvernement annonce donc que les gros fournisseurs d’accès à Internet vont devoir chiffrer les mails qui transitent par leurs serveurs. Si le geek verra immédiatement que le type de chiffrement est inefficace pour protéger ses échanges des yeux et des oreilles des services de renseignement, madame Michu, son mari, sa fille et son fils se disent que finalement, cet Etat est en faveur de la protection des correspondances privées. Mieux, il donne le ton et demande aux FAI de s’investir dans ce sens.

Chez Reflets, on aimerait bien connaître le nom de l’agence de com’ qui est derrière ce projet, parce qu’il est assez efficace, finalement. Le gouvernement fait nommer des responsables de la CNCTR qui sont tellement caricaturaux que l’on pourrait s’attendre à une levée de boucliers et pourtant… rien, le silence assourdissant nous étourdit. Il vote une série de lois liberticides à un point jamais atteint, y compris par la droite, et … Rien. Diablement efficace.