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Les pirates Russes et les emails américains…

vendredi 16 décembre 2016 à 16:18

Même Barack Obama l’a donc dit à la radio : les pirates du Kremlin sont à l’origine du piratage de la convention démocrate et de conseillers de la candidate Hillary Clinton. Après la CIA, les agences variées de renseignement, la parole du président vient ajouter un poids important à l’accusation. Et pourtant… En matière de piratage informatique, il faut être excessivement prudent et ne pas attribuer n’importe quoi à n’importe qui, surtout s’il y a des éléments objectifs et très évidents. Explications…

Un bon exemple d’un faux drapeau en matière d’attaque informatique est celui de TV5 Monde. Initialement, tout le monde a pensé à une attaque du cyber califat, le site de la chaîne de télévision affichant un drapeau de type Daesh. Or il est bien plus probable que l’attaque soit venue de Russie, justement. Mais plaçons-nous dans le cas de l’exemple sus-visé.

Quels arguments peuvent bien avoir les services de renseignement américaines pour affirmer que le piratage de la convention démocrate et de conseillers de la candidate Hillary Clinton provient du Kremlin ?

On peut faire quelques suppositions:

Par principe, sur Internet, personne ne sait que vous êtes un pirate russe, chinois, nord-coréen, américain, français, ou martien. Personne ne sait que vous un chien, c’est dire si l’on nage en plein flou.

C’est dire également combien il est imprudent de désigner tel ou tel comme l’auteur d’un piratage. En outre, il n’est pas inutile de rappeler à Barack Obama que jusqu’à maintenant, le seul pays dont on ait des preuves irréfutables d’un piratage massif de toute la planète, n’est autre que les Etats-Unis. Cela n’a pas l’air de lui poser le moindre problème ni de déclencher indignation ou réforme profonde des services de renseignement de ce pays.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les services de renseignement américain ont tout intérêt à désigner un cyber attaquant de la taille d’un pays, mieux encore, de type Russe ou Chinois, donc puissant. Plus l’adversaire est puissant, plus les budgets qui seront alloués aux agences de renseignement seront importants.

La justice tunisienne en question : le cas de Ines Zarrouk

mercredi 14 décembre 2016 à 22:11

Ines Ben Othman est cinéaste. Mais elle est aussi la femme de Walid Zarrouk, agent pénitentiaire et président de l’association Muraqib, qui lutte contre la torture et les abus dans les prisons et les lieux de rétention. Visiblement ce genre d’activité n’est pas du goût des autorités tunisiennes. Walid a été limogé par le ministre de la Justice, Nourdine Bhiri, du parti Ennahdha.

Depuis 2011, il a été arrêté une dizaine de fois et emprisonné sept fois. En 2015, il a purgé une peine de trois mois pour avoir critiqué le procureur adjoint Sofiane Selliti.

Walid et Ines sont accusés par le pouvoir d’avoir mis en danger des personnes, contrevenant ainsi à la loi anti-terrorisme.

Walid Zarrouk purge actuellement et depuis le 1er août dernier, une peine d’un an et demi de prison pour diffamation lors d’une interview télévisée. Son crime ? Avoir dit que les procureurs étaient inefficaces puisqu’ils n’étaient pas capables de réunir des preuves tangibles dans les dossiers qu’ils montaient contre lui. Walid Zarrouk a fait appel mais pour l’instant, aucune date n’a été fixée.

Les déclarations de Walid Zarrouk à propos de la gestion par les autorités de l’attentat du Bardo ont probablement pesé lourdement dans la décision du gouvernement de le harceler, lui et sa femme. Walid Zarrouk avait en effet indiqué que la police avait eu vent d’un attentat imminent, dans les 24 heures, avant le carnage qui a fait 24 morts (dont 4 français) et 45 blessés. La suite a montré, pour ceux qui se sont intéressés à cet attentat, qu’il n’était probablement pas dans l’erreur.

Demain, jeudi 15 décembre, le dossier de Ines sera étudié par la chambre d’accusation. Cette dernière peut requalifier l’accusation et l’on passerait de la loi anti-terroriste au code pénal (diffamation), ou même, lever les charges retenues contre Ines.

Par ailleurs, Ines, qui devait se rendre en France ces derniers jours en a été empêchée.

 

Aménagement numérique, fibre optique : le dessous des cartes

vendredi 9 décembre 2016 à 13:34

[Le présent article a été en grande partie écrit en avril 2016 et légèrement retouché et actualisé en décembre] Publié originellement sur : http://blog.spyou.org « Mémo à l’usage de ceux qui veulent avancer »

Au Royaume-Uni, ça creuse entre membre d’une coopérative pour amener la fibre chez l’habitant. Et oui… https://b4rn.org.uk

Après quatre ans à fréquenter des élus et fonctionnaires de ma nouvelle campagne d’adoption, et plus généralement toute personne avec qui je me suis entretenu à propos de numérique ou, plus généralement, de politique, la phrase que j’ai dû entendre le plus, c’est « mais de toute façon, qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? »

A propos d’un peu tout. De l’absence de connectivité fonctionnelle de façon satisfaisante dans nos campagnes, d’usage de trucs dans le cloud quitte à perdre toute notion de ce qu’est la vie privée voire intime, de dépenses de fonds publics totalement idiotes, etc.

Vous me voyez venir, je vais prendre mon cheval favori : le numérique, et je vais en parler pour ce qui concerne une zone que je commence à connaître un peu : l’Yonne.

« Mais qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? »

Dans l’Yonne, il y a en gros deux grosses agglomérations, Sens et Auxerre, représentant quelque 120000 habitants sur 720 kilomètres carrés quand le département dans sa totalité en compte 342000 sur 7420 kilomètres carrés. On a donc, à la grosse, 35% de la population qui habite sur 10% du territoire.

Ces deux agglomérations ont bénéficié d’une « convention AMII ». Ça a l’air plutôt sympathique, « ami ». Même quand on commence à lire ce qu’en dit la presse, ça a l’air cool : « la fibre optique chez l’habitant tout payé par un opérateur sans une once d’argent public ». On fonce donc inévitablement dans le panneau, quand on est un élu, surtout quand on n’a pas lu les petites lignes et l’explication de texte.

Une petite ligne parmi d’autres

Cette convention AMII concerne les particuliers. Exit les entreprises, exit les hôpitaux, exit les choses qui, grosso modo, ont besoin de plus de débit que la moyenne. « Pas grave » va-t-on nous répondre, « ceux-là peuvent souscrire des offres entreprise ». Oui, 4000 euros de frais d’installation (quand on se débrouille TRÈS BIEN) et entre 600 et 3000 euros par mois en fonction du débit et des services voulus.

Oui, on croit rêver. On pose donc légitimement la question « mais pourquoi vais-je aller payer des milliers d’euros pour relier le local de mon entreprise à un débit suffisant alors que dans le quartier d’à côté, chez moi, j’ai la fibre pour 35 euros par mois avec deux ados qui doivent consommer 20 fois plus de données que ma secrétaire ? ». Et là, on s’accroche bien à son fauteuil : « parce que, Monsieur, C’EST PAS LA MÊME FIBRE ». Et vous savez le pire ? Ça passe. Ces empaffés ont réussi à faire croire que ce n’était pas la même fibre.

Eh ben si, en fait, c’est la même. Toute pareil que celle qui va aux domiciles du quartier résidentiel. A quelques détails près : la « fibre entreprise » n’est mutualisée qu’au niveau du NRO au lieu de l’être au PM (la belle affaire… Vous ne savez pas ce que sont un NRO ou un PM ? En gros, de grosses armoires dans lesquelles on branche plusieurs fils ensemble sur un autre fil. Des multiprises réseau, quoi), et elle bénéficie généralement d’une garantie de temps de rétablissement en cas de panne.

« Aaahhh ouiiii, donc c’est quand même vachement mieux que le FTTH chez moi, cette fibre entreprise ». Oui, si vous avez besoin d’une garantie de rétablissement en 4h et d’un tuyau dédié jusqu’au central téléphonique. Mais au fait, vous avez quoi aujourd’hui pour accéder à internet ? Ah, une livebox. Et la dernière fois qu’elle est tombée en panne, ça a pris quoi ? 2 semaines pour retrouver une connexion ? Ah, chiant .. Mais ça vous a empêché de bosser ? Non, ben non, vous vous êtes débrouillés avec le voisin ou des clés 3G. Et vous avez quoi comme débit ? 10 méga ? Et ça va ? Oui, ça met juste un peu de temps pour envoyer un mail avec des pièces jointes mais on s’y fait. Ben oui.

Donc en réalité, vous avez juste besoin d’une connexion plus performante, pas énormément plus performante, juste un peu, allez, soyons fous, 20Mbps symétriques… mais sinon, vous êtes content. Et vous n’allez sûrement pas investir l’équivalent d’un SMIC mensuel pour vous payer une fibre, non, vous êtes un brin plus intelligent, vous allez embaucher quelqu’un si vous avez des sous devant vous.

Explication de texte

Quand un opérateur comme Orange ou SFR signe une convention AMII, il fait donc croire à sa victime qu’il est son sauveur et qu’il va sur ses fonds propres (grand prince, en plus) déployer un réseau tout beau tout neuf que les électeurs ils vont être super contents. Promis, dans 5 ans, on a fini, et on s’arrangera pour avoir fait le plus gros dans les endroits à problèmes, comme ça, aux prochaines élections, vous aurez un bon argument pour être réélu.

Et puis une fois signé, il se passe quoi ? Ben il se passe que des agglomérations comme Sens et Auxerre sont déjà, à quelques exceptions notables près, plutôt pas trop mal servies et que l’investissement sur fonds propres promis par l’opérateur qui aménage le réseau FTTH ne concerne que l’horizontal (les fibres sous le trottoir) mais ni le vertical (dans les immeubles) ni le branchement des pavillons… qui sont à la charge de l’opérateur qui va vouloir relier son client, donc, in fine, du client. Prix de ce petit luxe qui consiste généralement à tirer quelques dizaines de mètres de fibre ? Entre 200 et 800 €.

Évidemment, les opérateurs sont malins, ils n’annoncent pas des frais de mise en service de ce genre là, non. Ils noient ce montant dans l’engagement.

« Bonjour, vous avez déjà de l’ADSL qui pédale pas trop mal, mais c’est hasbeen. Prenez la fibre, c’est QUE 45 € par mois avec un engagement 3 ans, vous pourrez regarder 12 chaînes HD en même temps ! ». Alors, je m’engage 3 ans avec un opérateur, je paie plus cher, mais en fait j’en ai pas besoin parce que j’ai que deux yeux et que j’ai beau essayer, je peux pas regarder deux trucs différents en même temps.

Et du coup, que dit l’opérateur à la collectivité avec qui il a signé la convention AMII ? « Euhh bon en fait on vend beaucoup moins que prévu, et comme on comptait un peu dessus pour financer le reste du déploiement, ben il va durer plus longtemps que prévu, mais vous pouvez rien y faire, c’est marqué dans le contrat, article 156 alinéa 16876″.

Tadaaaa.

Cerise sur le gâteau

L’opérateur qui a réussi à arracher une convention AMII aux grands pôles urbains l’a mis bien profond au département et à la région concernés. Eh oui, on dit qu’il a vitrifié la zone. Interdiction pour toute collectivité de venir investir un centime sur la chasse gardée de l’opérateur en matière d’aménagement numérique pendant la durée de la convention.

Du coup, il se passe quoi ? Il se passe que les zones les plus peuplées (qui sont moins chères à déployer, compte tenu de la densité de logements) sont exclues de la péréquation que pourrait effectuer un département pour créer un réseau d’initiative publique. Reste les zones moins densément peuplées qui coûtent plus cher à couvrir en fibre.

En résumé, la boite privée riche qui fait des bénéfices s’occupe de couvrir là où ça coûte pas cher mais ou personne n’en a besoin, et le secteur public déjà exsangue doit se démerder avec les zones qui coûtent cher mais ne le fait pas et les laisse moisir faute de moyen.

Bien joué, l’AMII.

Bon, du coup, on fait quoi, nous, collectivité petite ou grosse ?

On se demande comment faire pour régler le léger problème des campagnes avoisinant ces centres urbains qu’un gros opérateur a phagocyté, vu qu’on peut pas faire péter les conventions qui ont été signées.

On va se renseigner là où les gens ont l’air de savoir ce qu’ils font, chez les grands opérateurs. Une commune du coin a tenté de se démerder, téléphonant à quelques opérateurs nationaux, disant « coucou, on voudrait créer un réseau fibre sur notre commune, on paie, vous voulez bien venir y vendre vos offres. Ils se sont fait rire au nez sur le thème : « Mais vous êtes ridicules. C’est trop petit. On prendra même pas le train pour venir voir. Ça nous intéresse pas ».

Il s’agissait, pour que les choses soient claires, que la ville finance et construise un réseau pour que ces messieurs les opérateurs n’aient rien à investir et puissent débarquer avec leurs offres pour les vendre aux gens. Plutôt sympa, moi, je dirais.

Bon, du coup, on pose la question : « à partir de combien ça vous semble intéressant ? ». Là, on vérifie qu’on est bien assis, la ville a demandé : trop petit. La communauté de commune a demandé : trop petit. Le département a demandé : trop petit. Oui oui, ces gens là ne veulent discuter qu’avec un truc à l’échelle régionale.

Et comme ils ont embauché des lobbyistes doués, ils ont même réussi à faire gober à l’état qu’il était nécessaire de freiner toute velléité locale de construction de réseaux optiques en ne réservant les subventions état et Europe qu’aux projets d’envergure régionale. Il faut le savoir, aujourd’hui, une collectivité territoriale ne fait RIEN si il n’y a pas au moins un bout de subvention qui vient de plus haut. Alors qu’elles pourraient souvent faire quand même quelques trucs, mais c’est un autre débat.

Bon ben, du coup, on va rien faire hein. Enfin, rien de concret. On va voter un budget. Allez, 55 millions d’euros. Hop. L’Europe va en payer 12, l’état 18, le département 14 et on va aller siphonner les 11 millions restants dans les caisses de nos communautés de communes, elles referont leurs trottoirs ou leurs terrains de foot plus tard.

Bon. Et avec ces 55 millions on fait quoi ?

On a tout bien écouté Orange, ils nous on dit que la fibre c’était au moins 2000 € par foyer compte tenu de notre densité de population mais que eux avait une solution magique géniale qui coûte deux fois moins cher, et qui consiste à rapprocher la fibre de chez l’habitant. Pas l’y amener, hein, la rapprocher. Nom de code « Montée en débit », MeD ou PRM chez les initiés.

Bon, je la fais courte pour ceux qui ne connaissent pas le principe de la montée en débit : ça monte pas bien haut.

Si l’ADSL ne marche pas ou pas bien à certains endroit, c’est parce que les lignes de téléphones sont trop longues. Du coup, le principe de la PRM, c’est de remplacer un bout de ces lignes de téléphones par une fibre optique (qui souffre beaucoup moins de la baisse de qualité avec la distance) et, au bout, de planter un mini central téléphonique sur lequel on viendra raccrocher les lignes. Les lignes sont plus courtes, l’ADSL marche mieux. CQFD.

En plus, ça « prépare l’arrivée de la fibre ». Pensez donc, ils enterrent 6 paires de fibres pour relier un mini central téléphonique perdu dans la pampa sur lequel il y a quelques dizaines de lignes. Et ils veulent nous faire croire que 6 paires sont suffisantes pour proposer, plus tard, une offre FTTH digne de ce nom ? Raté, il faudra changer le câble en question, ne serait-ce que parce que l’ARCEP impose qu’il y ait une fibre par habitant qui arrive au point de mutualisation le plus proche, que celui-ci doit couvrir au moins 300 logements et que bon nombre d’opérations PRM actuellement en route portent sur des PM de moins de 90 lignes. Donc en fait, ça ne prépare rien du tout.

De toute façon, le gros du coût de déploiement de la fibre ne concerne pas cette longue distance effectuée entre le central d’origine et le nouveau petit, bien souvent faite en bordure de route facile à creuser, mais bien la mise en service jusqu’à l’abonné où il faut se torturer l’esprit pour ne pas trop ravager le devant de la maison pour y faire rentrer le nouveau câble.

Mais s’il n’y avait que ça, on s’en contenterait. Là où il y a un hic, c’est que cette fameuse offre PRM est :

Pendant ce temps, vous continuez à payer directement ou indirectement l’entretien du réseau téléphonique (qui n’est plus assuré qu’en cas d’extrême urgence) sur vos factures mensuelles, et vous allez donc, en plus, payer, via vos impôts, le fait de pouvoir continuer encore longtemps à financer cet entretien inexistant. Heureusement que plus de la moitié sont payés par l’Europe et l’état, hein, on se sent moins seuls.

Bon, ça, c’est fait, un petit cadeau de 22 millions d’argent public à une boite qui caracole en tête des plus gros bénéfices à la bourse de Paris. Admettons. La consolation c’est que c’est encore l’état qui capte 13% de ces dividendes. On n’a pas tout perdu.

Bon, et les 33 millions qui restent, on en fait quoi ?

On va quand même faire un peu de fibre, hein. Bon, on le fait où ? Bon, ce bled là, celui là et celui là y sont de gauche, je les aime pas, donc pas chez eux. Là bas, c’est trop paumé et Orange a dit que ça coûterait trop cher, donc on n’ira pas. Bon, ben on va déployer dans les villes les plus peuplées en dehors des deux zones AMII et uniquement si elles sont du même bord politique que nous. Allez, c’est ficelé, on y va.

Au fait, on fait comment la fibre ? Tu sais, toi, René ? Non. Francis non plus ? Bon… on va attendre que la région se bouge le fion pour nous pondre un truc, tout seuls on n’y arrivera pas.

Attends, on va quand même sortir un appel à projet pour les zones industrielles histoire de faire croire qu’on se préoccupe de nos entreprises. Non, t’inquiète, s’il y en a qui répondent on fera comme d’habitude : les morts. Avec un peu de bol Orange ouvrira des offres fibre entreprise sur ces zones et on pourra valablement retirer l’appel à projet avant que ça râle trop fort en disant « ah ben non, à Bruxelles ils ont dit que quand le privé couvre, nous on n’a plus le droit ».

3 ans plus tard, la région, toute contente de se marier avec la Franche-Comté, parvient à monter une Société Publique Locale pour piloter les déploiements FTTH. Bon, en vrai, elle va aussi édicter les règles d’ingénierie et choisir un délégataire privé qui sera chargé de se mettre dans la poche les 33 millions de l’Yonne (et les millions des autres départements) pour construire un beau réseau FTTH sur lequel ces messieurs « opérateurs d’envergure nationale » viendront vous vendre leurs offres.

« Gérer ça en propre ? Mais vous n’y pensez pas Geneviève, Orange a dit que c’était compliqué, la fibre. Déjà qu’on n’est plus foutus de gérer nous-mêmes les réseaux d’eau potable… »

Petite consolation tout de même, les opérateurs qui vont venir vendre leur service payeront (en principe) une dîme mensuelle pour chaque ligne qui reviendra dans les caisses des départements. C’est donc un investissement, contrairement à la montée en débit PRM qui est une subvention à fonds perdus.

Espérons juste qu’au détour de l’appel à délégation de service public qui sera passé, les deux ou trois candidats « sérieux » qui se présenteront n’imposeront pas de clauses bien tordues (du genre « pour pouvoir jouer sur le réseau il faut le cofinancer à hauteur de 25% ») leur permettant de s’arroger à eux seul le droit d’exploiter le réseau public. L’avenir nous le dira.

Bon, eh, Spyou, t’es sympa avec ton roman fleuve, mais tu nous as toujours pas dit ce qu’on pouvait faire, là.

C’est pas faux. Mais il fallait quand même bien que je vous brosse le tableau avant de le barbouiller avec ma gouache.

Deux ou trois autres détails, que vous ayez bien l’image en tête.

Déployer un réseau fibre, c’est de la plomberie. Tout pareil que de l’eau ou n’importe quel autre réseau déjà existant : il faut enterrer des tuyaux ou planter des poteaux pour ensuite y mettre des câbles dans lesquels il y a de la fibre.

Petit point financier

Un mètre de fibre, c’est entre une poignée de centime et 2 euro en fonction de la quantité achetée et du nombre de fibres dans la gaine. Un mètre de fourreau pour mettre la fibre, c’est du même acabit. Un poteau, c’est quelque chose entre 50 et 100 euros. Un mètre de tranchée pour enterrer un fourreau, c’est entre 10 euros (dans un champ) et 3 ou 400 euros (en ville où il faut faire attention aux autres réseaux, reconstruire le marbre plaqué or du trottoir, etc.).
Bilan de ce point financier : la fibre, ça coûte rien. Ce qui coûte, c’est de faire des trous. Ça fait déjà un bon moment que toutes les collectivités le savent : quand on fait un trou quelque part, on en profite, on met des fourreaux vides en trop dedans, ça évitera d’avoir à creuser à nouveau, et dans le pire des cas, on aura perdu quelques centimes, c’est pas bien grave. Alors qu’on m’explique pourquoi, pas plus tard que l’année dernière dans l’Yonne, plus de 80km de tranchées ont été réalisées (pour celles dont j’ai eu connaissance), dont certaines assez longues, sans qu’aucun fourreau vide n’ait jamais été posé.

Florilège :

« On savait pas comment faire donc on n’a rien fait »
« Ça traversait plusieurs communes et il y en avait dans le tas qui ne voulaient pas payer plus cher que le strict nécessaire donc on n’a rien fait »
« C’est une intervention faite par un gestionnaire de réseau privé, si on voulait mettre des fourreaux vides, on aurait dû cofinancer les travaux donc on n’a rien fait »
« Quand on pose un type de réseau, on fait appel à une entreprise spécialisée dans ce type de réseau. Si on lui demande de poser un autre type en même temps, elle fait n’importe quoi et c’est la merde intersidérale donc on n’a rien fait »

Et vous demandez encore ce que vous pouvez faire ? J’ai d’autres idées, si profiter des trous qui sont faits pour préparer l’avenir n’est pas à votre portée.

Vous avez l’immense chance (des communes d’autres départements tueraient pour l’avoir) de bénéficier de l’implantation, sur votre territoire, d’une initiative locale, portée bénévolement par des gens motivés, qui ont les compétences, le temps et l’envie de faire quelque chose. Ils ont, pour arriver à leurs fins, créé une structure éminemment démocratique et totalement transparente, tant financièrement que techniquement. Pourquoi persister à ne pas les considérer, sans même parler de les soutenir, hein ? Ils sont mal fringués et leurs principes ont l’air vaguement communistes… OK… J’ai d’autres idées, si soutenir les initiatives locales n’est pas de votre goût.

Une idée plus administrative, tiens. Se grouper pour faire pression. Il existe des tas d’organisations regroupant de petites communes rurales. Il serait peut être temps d’envoyer promener le diktat privé imposé par Bruxelles et faire pression sur notre état pour qu’il oblige ceux qui en ont les moyens d’assurer l’investissement nécessaire à la sortie du tiers monde numérique de nos territoires. Pas en suggérant une nouvelle taxe qui retombe systématiquement sur le nez des clients comme l’a proposé un de nos députés locaux, mais en réévaluant par exemple la notion de service universel pour y inclure l’accès à internet avec un débit minimal valable. Non ? Si faire bosser vos équipes sur un nouveau genre de projet qui a l’air un peu révolutionnaire ça vous colle la frousse, j’ai encore une pochette surprise dans ma besace.

Pourquoi ne pas suivre les buts que vous vous êtes fixés quand vous avez demandé à un cabinet de conseil d’écrire le schéma directeur d’aménagement numérique à votre place ? Ils n’y ont pas mis QUE des âneries hein. Loin de là. Il y a même une idée toute bête et qui, pourtant, n’a toujours pas été mise en œuvre, bien qu’elle soit un des prérequis avant de pouvoir éventuellement penser à faire de la fibre : recenser le génie civil disponible. Mettre des outils de cartographie à disposition de toutes les structures administratives, et pourquoi pas de l’ensemble de la population pour aller plus vite ? Maintenant, si même faire ce que vous aviez dit que vous feriez n’est pas possible… Je ne vois qu’une solution, continuez à chercher des papiers et des chèques à signer en espérant que les choses se feront toutes seules.

En parlant de chèques… Chaque année, les opérateurs paient une Redevance d’Occupation du Domaine Public (RODP) aux collectivités dont ils occupent tout ou partie de l’espace public, en souterrain ou en aérien. Vous êtes-vous un jour demandé d’où sortait le montant en bas de la feuille ? Je serais vous, je creuserais le sujet. Sachez que si vous trouvez une bourde dans le calcul, vous pouvez demander le complément de façon rétroactive sur 5 ans. Allez, je vous aide, c’est Orange qui vous donne le chiffre, et en dehors d’aller recenser le réseau physiquement dans votre commune, vous n’avez aucun moyen de vérifier sa validité. Action.

Moi, je vais continuer chaque semaine à connecter 2 à 10 personnes au réseau de SCANI, ça va être long, on sera toujours une bande de gnioufs bizarres qui font pas du vrai internet, mais à la fin, quand on comptera les points, nous, on saura ce qu’on aura fait pour le département.

Je m’énerve pas, Madeleine, j’explique.

Le truc qu’on fait chez SCANI est assez simple à comprendre. On prend de l’internet où il marche et on l’emmène là où il ne marche pas. On ne pirate pas un opérateur quelconque, nous SOMMES opérateur. N’en déplaise à certains, « être opérateur », ça se résume à cocher quelques cases sur le formulaire du site de l’ARCEP et de cliquer sur « envoyer ».

Comme on a avec nous quelques personnes du métier qui sont tombés dedans quand ils étaient petits, on arrive à obtenir les meilleurs prix pour les services qui sont utiles et on sait faire tomber en marche ces objets bizarres portants des noms qui font peur : « routeur, switch, lns, serveur dns… »

Et ensuite, on y va petit à petit. Pas de grande folie, pas de couverture totale de tel village, pas d’investissements colossaux. Non, on a commencé avec Pclight par un investissement en matériel de 500 € et un coût mensuel récurrent à payer de 60 €. C’était début 2013, moment où les premiers adhérents ont été reliés à des connexions proposant un débit descendant de 12Mbps et un débit montant de 1Mbps. Du simple ADSL, en fait.

Le schéma technique est compréhensible par n’importe qui : une ligne ADSL, un bête câble réseau, une antenne wifi au bout, accrochée à la cheminée, la même en face plus loin, et un ordinateur au bout du câble.

C’est ce qu’on fait depuis 4 ans : mettre des antennes wifi en face les unes des autres pour amener des connexions internet dans la campagne.

Avec un travail 100% bénévole, en dehors des prestations dangereuses réalisées par des antennistes professionnels, on en est rendus à 370 connexions finales actives et un peu plus de 700 antennes installées. Du coup, le budget de 60 € par mois a un peu grossi, le récurrent mensuel qui rentre, une fois la TVA déduite, est d’environ 8000 € qui permettent aujourd’hui de financer :

Le modèle économique est idéal : plus il y a de personnes reliées, plus le budget mensuel augmente, plus on peut augmenter les débits disponibles en en faisant profiter tout le monde. Certains bénéficient aujourd’hui d’un débit de 60 méga, toujours pour 30 € TTC par mois.

L’objectif à court terme est de commencer à creuser nous mêmes ces fichus trous pour y mettre de la fibre optique. Même si certains douteront toujours, l’union fait la force, et nos agriculteurs ont tout le matériel nécessaire pour faire des trous. Avec ce principe de fonctionnement, une coopérative anglaise arrive à un investissement tout compris (fibre, génie civil, matériel actif, déploiement chez les gens, connectivité vers internet) de 1200 € par habitation connectée avec un débit disponible de 1000 Mbps pour chacun.

Concernant le travail déjà réalisé avec le wifi sur notre réseau, il n’est pas condamné, puisque la fibre viendra en remplacement des liens wifi les plus chargés pour les rendre plus fiables et performants et que les antennes pourront être réinstallées pour étendre encore le réseau plus loin, voir, pourquoi pas, les céder à d’autres initiatives ailleurs. A plus long terme, il s’agit de créer des emplois qualifiés et non délocalisables autour d’un projet économique, social et solidaire.

La totalité des données financières sont accessibles en temps réel aux adhérents, tous les outils et méthodes de travail sont publics et l’ensemble des actions menées sont ouvertes à qui veut bien se donner la peine de venir à notre rencontre.

En bref, soutenir nos actions présente un risque : celui qu’on aille plus vite, plus fort et plus loin. C’est promis, on ne se moquera pas de celles et ceux qui pourraient venir en nous disant « bon, ok, au temps pour moi, c’est un vrai projet que vous avez, comment on avance ensemble maintenant ? ».

Eh, t’es bien mignon avec ton association de Trotskystes là… on peut pas baser la stratégie numérique d’un département là dessus.

C’est assez délirant comme idée, je le reconnais.

D’ailleurs, une petite ligne sur les associations en question. Depuis fin 2012, Pclight sonnait tantôt comme une douce musique (aux oreilles de certains, délaissés des sphères numériques, qui voient là une bonne opportunité de s’en sortir), tantôt comme une rengaine plutôt enquiquinante (pour d’autres, habitués à des fonctionnements plus institutionnels). C’était un brin voulu. En plus de faire du réseau, on est également une belle bande d’agitateurs qui aimons coller de grands coups de pieds dans la fourmilière. Pas super sympa, mais nécessaire.

Certains ont pu se demander ce qui se passait avec cette histoire de Pclight & SCANI. Sans rentrer trop dans les détails, des divergences de point de vue concernant entre autre la gouvernance et la taille des projets a mené à une séparation en deux structures. Ça a probablement été fort mal géré, mais passons, le temps a fait son œuvre et les deux structures envisagent à présent des actions communes.

L’idée n’est pas d’avoir à faire un choix entre blanc ou noir, entre conservateur et 68’tards, entre bien et mal, entre capitaliste et communiste, entre gros ou petits mais bien de saisir les opportunités pertinentes au moment où elles se présentent avec un seul et unique objectif : le bien commun.

C’est ronflant comme objectif, même un poil arrogant, OK. Mais c’est comme ça, faudra vivre avec. Et si on arrive à bosser en bonne intelligence avec le reste des opérateurs, les élus, les autres associations, les habitants, les coopératives, les entreprises, la région, l’état, etc. qui sait où on ira ?

Super, tu m’as convaincu. Je suis élu, je fais quoi ?

Bon, déjà, tu retournes en haut de la page et tu vas lire une seconde fois.

Ensuite, SCANI est une coopérative. Pour un élu, ça veut donc dire deux choses :

Au boulot maintenant !

@turblog @scani89

Cadeau de fin d’année, un casier scolaire pour tous les marmots

vendredi 2 décembre 2016 à 16:01

signal-ecoleLe ministère de l’Éducation nationale (MEN) use de méthodes déloyales pour imposer un nouveau fichier scolaire aux implications plus que sensibles. Le livret scolaire unique numérique (LSUN) est le dernier maillon d’un fichage méticuleux qui remet en selle le débat ouvert il y a 10 ans lors de la sortie fracassante du gros fichier des écoliers, Base élèves 1er degré (BE1D).

Ce livret scolaire est censé s’imposer du CP à la 3ème, commun à l’école élémentaire et au collège, c’est à dire durant toute la scolarité obligatoire. Là où ça coince, c’est que les données que doit recueillir le LSUN sont exactement celles qui avaient du être expurgées de BE1D, en 2008, afin que ce dernier puisse plus facilement être accepté en masse par les parents d’élèves et les enseignants. Quelques réunions houleuses sur ce « livret numérique » ont déjà eu lieu à Paris entre des enseignants et leurs inspecteurs de circonscription, qu’on appelle dans la grande maison les IEN. En question notamment, l’absence totale d’information que doit légalement obtenir toute personne – en l’espèce, les responsables légaux des enfants concernés – dont les données personnelles sont traités dans un fichier informatisé (article 32 de la loi informatique et libertés). Pour être plus clair : début décembre, cette information légale n’avait toujours pas été communiquée aux parents d’élèves, alors que le fichier a déjà été rempli par certains enseignants zélés. Ceci, au passage, étant une infraction pénale (article 50).

Comme à son habitude, le MEN joue la carte de la « confiance », en édulcorant la portée de ce livret scolaire informatisé par l’emploi de termes trompeurs pour espérer ne pas avoir à se justifier. Il parle ainsi d’une « application », mot connu de tous les utilisateurs de smartphones, pour désigner un fichier nominatif (rien à voir avec un « logiciel », vrai synonyme d’application), et préfère user du terme « numérique » pour éviter à employer celui d' »informatisé », bien moins flou et plus consensuel. Oubliant aussi de préciser qu’il sera partagé par une foule d’intervenants qui restent encore inconnus des parents d’élèves.

Le « Livret d’ouvrier » new age

Le LSUN est en effet bien plus qu’une simple application — en septembre 2015, avec l’aide de la ministre en personne, BFM le présentait comme « le nouveau carnet de notes » (sic)…. Par exemple, il remplace totalement le LPC, « livret personnel de compétences » qui a été « testé » sous différentes formes ces dernières années. Les plus réfractaires au LPC ont parlé du « retour du livret d’ouvrier », le premier outil de contrôle social créé par Bonaparte et abrogé sous la IIIème République. Ficher les compétences acquises par l’enfant à tel moment de sa scolarité est à double tranchant, car cela répertorie aussi les difficultés que l’élève à eu à les acquérir. Ce mode d’évaluation binaire (oui ou non) est aussi très discutable en terme pédagogique. Le LPC comprend donc bien plus qu’un listing des savoirs acquis par chaque enfant, il s’inscrit dans un projet politique qui vise à mesurer l’employabilité de l’élève et de faire de l’école un lieu de compétition pour préparer l’enfant au monde du travail. « C’est d’ailleurs pour ces raisons que le MEDEF s’est réjoui de la mise en œuvre du LSUN », écrit le syndicat SUD Éducation, le plus remonté contre le LSUN depuis plusieurs mois, dans un récent communiqué.

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Répertorier les évaluations faisait donc partie de la première version du fichier Base élèves, qui a fait l’objet d’une simple déclaration à la CNIL en décembre 2004. Il était question aussi de noter l’assiduité de l’élève, son comportement en classe et une foule d’autres mentions comme la nationalité de l’enfant, mais aussi la langue et la ‘culture d’origine’ des parents (sic) ainsi que leur « date d’entrée en France »; était aussi prévue de noter les prises en charge de l’enfant dans des programmes éducatifs spécialisés (notamment les réseaux RASED pour « élèves sen difficulté »)…

Tous ces éléments ont donc été retirées de BE1D en 2008. A l’époque le ministre Xavier Darcos avait parlé de données « liberticides » (sic), et ils se retrouvent donc, peu ou prou, parmi les champs du livret scolaire version 2016. Notamment la prise en charge d’un élève dans différents programmes spécialisés de « réussite éducative », pouvant, et c’est là le problème, identifier des enfants avec des handicaps ou ceux bénéficiant de suivis médico-psychologiques, ou encore ceux, d’origine étrangère, « allophones » (classes pour non francophones)… On est loin du simple « carnet de notes numérique »!

Avec un peu de recul, expurger ces données de BE1D avait un tout autre but: favoriser l’adhésion des instituteurs et calmer les craintes des parents d’élèves. Car BE1D, en ne contenant que des données d’état civil, a pu s’installer dans le paysage. Alors qu’il a surtout servi à générer un identifiant unique – pour ne pas dire un numéro de matricule – destiné à suivre à la trace les élèves pendant leur scolarité et toute leur vie professionnelle. Cet INE – identifiant national de l’élève – est attribué à chaque enfant dès son entrée en 1ère année de maternelle, à 3 ans, avant même que l’école ne soit obligatoire. Et ces INE alimentent une autre base de données restée longtemps dissimulée par les services de l’Éducation nationale, la BNIE (base nationale des identifiants), qui a depuis fusionné dans un méga-répertoire (RNIE) qui recense tous les écoliers, collégiens, lycéens et apprentis (ici pour plus d’infos). Dernier changement loin d’être anodin dans ce RNIE, effectué distretos par un arrêté de septembre 2016, la mention du « pays de naissance pour les personnes nées à l’étranger », qui remplace celle de « naissance à l’étranger ». Ceci expliquant pourquoi la nationalité de l’enfant fut retiré de BE1D en 2008. Un peu à l’image des poupées gigognes, les fichiers scolaires s’imbriquent les uns dans les autres subrepticement, diluant leur portée au gré des modifications successives.

Et la dernière poupée n’est, là aussi, pas vraiment mise en avant : le CPA, Compte personnel d’activité créé par la funeste « loi travail » qui a répandu dans l’air tant d’effluves de lacrymos dans les rues ces derniers mois. Dans un communiqué du 9 octobre, le CNRBE, le collectif de résistance à Base élèves, résumait ça très bien ici :

Le fichage commencé à la maternelle (18 compétences renseignées) s’étendra au parcours professionnel par le biais du « Compte Personnel de Formation » (CPF) créé en 2014, du « Passeport d’orientation, de formation et de compétences » inclu dans ce fichier, et, de 16 ans jusqu’au décès de la personne, du « Compte Personnel d’Activité » (CPA) créé par la loi « travail » du 8 août 2016, un immense fichier dont les données seront bientôt mises à disposition des employeurs et des financeurs de formation, en application de cette même loi.

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Comme lorsque le MEN cherchait à imposer la Base élèves en 2006-2007,  il a été plus que sportif d’obtenir les documents officiels à l’origine du livret scolaire informatisé. Seul l’arrêté ministériel, signé en pleine trêve des confiseurs, le 31/12/2015, était disponible, en cherchant bien (le voici sur Legifrance). En revanche, le formulaire de déclaration de ce fichier à la CNIL (effectué avant le décret, le 15/10/2015), n’a pas eu la même publicité. Reflets.info s’est démené et a obtenu, après plusieurs échanges disons fermes et diplomatiques avec le ministère, quatre documents complémentaires que nous mettons à disposition (lire en fin d’article).

On y apprend tout de même quelques éléments fondamentaux de ce vaste fichage scolaire. D’abord la durée de conservation des données : 3 ans (la durée d’un cycle) ajouté d’une année, soit 4 ans d’archives. Sans savoir à quel point les différentes modifications permettront d’aller plus loin dans les années à venir. Le formulaire envoyé à la CNIL évoque aussi des données relevant de la « vie personnelle (habitudes de vie, situation familiale) » comme « professionnelle (CV, scolarité, formation professionnelle, distinctions) », le tout recueillies « de manière indirecte », c’est à dire en siphonnant d’autres fichiers, le tout grâce au fameux matricule unique, l’INE. Un coup d’œil aux différents champs du fichier (cf document plus bas « Formulaire de collecte des données ») permet aussi d’y voir des fenêtres où les enseignants pourront y inscrire des mentions libres, voire subjectives, sans savoir là aussi si l’effacement d’un cycle sur l’autre sera automatique…

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L’usine à gaz du LSUN (extrait d’un document de synthèse du MEN, juillet 2016)

Quid de l’information des parents ?

Mais alors où est la « déloyauté » dont nous parlions au début? C’est la manière dont ce livret est rempli et déployé, alors qu’aucun parent d’élèves de France n’a encore été officiellement informé de son contenu, de sa finalité, de la durée de conservation et des réelles implications de ce livret new age. Le MEN joue avec la loi : certes, pour tout fichier émanant d’un « service public », il n’est plus nécessaire de recueillir « l’accord préalable de la personne » (ou de ses tuteurs), cf l’article 7 de la loi informatique et libertés. Mais tout traitement de données à caractère personnel doit faire l’objet d’une information claire et précise auprès des intéressés (article 32 de la LIL). Et contrevenir à cette formalité est une infraction pénale (article 226-16 du code pénal). En théorie donc, la CNIL aurait du dès maintenant transmettre à la justice ces éléments à l’encontre du « responsable du traitement », en l’occurrence la ministre Vallaud-Belkacem, et, par délégation, Florence Robine, directrice de l’enseignement scolaire — c’est d’ailleurs elle qui a signé la déclaration à la CNIL.

declaration-lsun-extraitPourtant, seules des réunions en conclave entre enseignant.e.s, directeurs/directrices d’école et inspecteurs (IEN), ont eu lieu à ce jour. Lorsqu’un prof ose évoquer l’absence de note d’information à l’adresse des parents, et à quel moment elle serait distribué, la réponse reste évasive ou menaçante. De leur côté, quelques parents commencent à envoyer des courrier d’opposition furibards, mais néanmoins très argumentés (modèle-type disponible ici), et convoquent des réunions avec les parents pour faire le boulot qu’aurait du faire, depuis des mois, le ministère et ses représentants. Pourtant, cf page 6 de la déclaration CNIL [cf capture], à la rubrique 9 « Le droit d’accès des personnes fichées », « Comment informez-vous les personnes concernées par votre traitement de leur droit d’accès ? », la case « Envoi d’un courrier personnalisé » a été cochée.

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Premier bug : la réponse du DASEN de Paris (grand manitou de l’éducation nationale dans chaque département académie), à la question « quid de l’information des parents? ». Voici l’extrait d’un mail reçu dans les écoles de Paris le mercredi 30 novembre (souligné par nos soins) :

Certains d’entre vous reçoivent en outre des courriers de parents dans lesquels il est fait mention d’un engagement ministériel concernant une information écrite et individuelle à destination des parents. Nous n’avons reçu aucune consigne ministérielle allant dans ce sens. En revanche, un document est en préparation au ministère relatif à la mise en place de téléservices à compter de janvier 2017. Ce document prévoit la présentation des identifiant et mot de passe aux familles.

D’autres familles expriment par ailleurs leur refus de voir le LSU renseigné pour leur propre enfant au motif que des informations confidentielles pourraient être désormais accessibles. Il appartient dans vos réponses de les rassurer en rappelant l’aval de la CNIL et les conditions d’accès à la plateforme, très contrôlées et restreintes. On peut également ajouter que la protection des données est mieux assurée par le LSU que par les versions papier des livrets, lesquels sont bien plus exposés au risque de rupture de confidentialité.

Notez avec quels termes rassurants on tente de calmer la plèbe qui gronde. Jamais la question de la pertinence des données n’est abordée, seulement la façon dont elles seront « sécurisées ». Et cela montre aussi que par « courrier personnalisé », le MEN entendait informer les parents non pas avant toute saisie, mais après coup, pour leur confier des identifiants et mots de passe avec lesquels ils pourront accéder à la base. Car c’est le dernière étage de la fusée « acceptation » : les impliquer dans le dispositif, bref les rendre complices et/ou consentants. Surtout pas avant toute saisie – ce serait trop tard alors pour s’y opposer – mais une fois que les profs auraient rempli les premières évaluations. Après la bataille.

Second bug : hier à la mi-journée, 1er décembre, on nous apprenait qu’un mail de Florence Robine, en personne, avait été envoyé à toutes les écoles de France afin d’éteindre l’incendie. Courrier qui allait contredire le DASEN zélé cité plus haut. Le sujet du courrier est plutôt vague (« Les bilans périodiques du livret scolaire »…), mais en fin de courrier la n°2 du ministère fait (enfin) référence à ses obligations légales :

Enfin, je vous rappelle aussi qu’il convient d’informer les élèves et leurs responsables légaux, quelle que soit l’application utilisée, de tout traitement informatisé de données les concernant ainsi que de leur droit d’accès et de rectification de ces données, en leur communiquant un courrier personnalisé, par exemple par l’intermédiaire du carnet de liaison. Pour le LSU, un courrier type est à votre disposition (…)
Avec toute ma confiance [sic],
Florence Robine
Directrice générale de l’enseignement scolaire
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Le « courrier type » (le voici avec le lien originalici une copie, des fois que…) rappelle les mentions les plus élémentaires concernant les mentions devant accompagner un tel fichage de masse. Mais cette tâche revient donc aux enseignants, alors qu’il incombe logiquement au « responsable du traitement ». Allez, ok, on chipote. D’ailleurs, c’est sans doute un procès d’intention : ils sont tous débordés au ministère, et il était prévu de longue date que cette information soit communiquée aux parents d’élèves. Simple question de timing? Pas de bol pour Mme Robine, l’informatique laisse des traces, et elles sont plutôt cruelles. Dans le document PDF mis en pâture hier, on peut lire qu’il a été créé avec « Microsoft® Word 2010 » (c’est du propre – mais les liens entre Windows et l’éducation nationale ne sont plus à démontrer), qu’il est titré « Données personnelles », mais surtout qu’il a été créé le… « lun. 28 nov. 2016 14:22:43 CET ». Soit bien après les premières saisies de données, et surtout après les premiers courriers de parents s’offusquant d’avoir découvert l’existence du LSUN sans en avoir été informés. Oui, plutôt cruel l’informatique pour Florence Robine.


Documents communiqués à Reflets.info par le MEN :


Ecoutez une émission de radio sur le sujet, Les Amis d’Orwell, Radio Libertaire, 2/12/2016 — avec trois invités, parent d’élèves et professeurs des écoles, qui discutent du LSUN et reviennent sur Base élèves (1h30).

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Interview exclusive : la Mondialisation réagit aux propos de Manuel Valls !

jeudi 24 novembre 2016 à 12:20

C’est un tweet du Premier ministre qui a tout déclenché. Celui-ci affirme à un journal d’extrême centre (Les Echos) que « la mondialisation doit être « humanisée »  et doit être « au service des peuples », entre autres :

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Choqués que la principale concernée, La Mondialisation n’ait pas son mot à dire, alors qu’elle est directement pointée du doigt et menacée par Manuel Valls, nous avons décidé à Reflets de la contacter afin de connaître son sentiment face à cette mise en cause. Une occasion aussi pour mieux la connaître, puisque si « tout le monde en parle », en fin de compte, personne ne sait vraiment qui est La Mondialisation, ni ce qu’elle pense.

 

— Interview de La Mondialisation. En exclusivité sur Reflets —

 

Bonjour La Mondalisation, nous sommes très heureux de pouvoir échanger avec vous, et de recueillir vos réactions après les déclarations de Manuel Valls à votre propos.

La Mondialisation : — Salut. Aucun problème. Tu peux y aller, pose tes questions.

— Bien… Je vois que vous êtes plutôt décontractée, on ne vous sent pas trop inquiète par les attaques du premier Ministre français, pourquoi ?

L.M : — Je ne vois pas trop de quoi tu parles en fait. Manuel Valls, c’est quoi ça, une marque de montres de luxe ? Une startup californienne capitalisée à hauteur du PIB d’un pays africain ? Je connais pas. Autre question ?

— Bon, avant d’aller plus loin sur le sujet actuel, nous pourrions revenir en arrière, pour mieux vous connaître ? Quel âge avez-vous ?

L.M : — J’ai 22 ans, pourquoi ?

— Ah bon, pas plus ?

L.M : — Ça dépend ce qu’on compte, mais en général on me donne 22 ans, par commodité. Parce que j’ai été conçue sur une plage et je suis née la même année, en 1994.

— C’est charmant. Vous pouvez nous parler de vos parents ?

L.M : — Oui, mais j’ai plusieurs pères, c’était une partouze.

— Ah, d’accord…

L.M : — Ma mère, La Finance internationale était très chaude, elle attendait que ça, elle chopait tout ce qui passait. Elle a croisé les meilleurs acteurs porno pour ma conception. Il y avait Ernest Gros-capital, il était surnommé « bankster », M. Jonh Doe-Trader, Bill la dérégulation, Bob FMI, et OMC, le plus membré de tous. Il paraît que je lui ressemble beaucoup.

— …

L.M : — Autre question ?

— Oui, oui… Vous êtes donc le fruit de la Finance internationale et d’un tas d’acteurs porno qui lui tournaient autour, si j’ai bien compris. Vous êtes jeune, en pleine forme, vous avez passé une crise d’adolescence, comme tout le monde, et là vous en êtes où ? C’est quoi votre projet de vie ?

L.M : — M’éclater. Continuer à faire la fête, prendre des risques, l’aventure quoi ! J’en ai rien à péter de tous ces cons qui essayent de me dire qu’il faut me calmer, et tous ces trucs débiles sur le fait qu’à 22 ans il faut commencer à s’assagir. C’est de la merde tous ces discours. Moi, je continue à faire ce qui me plaît, et basta !

— Vous n’avez donc pas de vrai projet de vie, en fait ? Mais, vous ne craignez pas que ceux qui veulent vous mettre « au service des peuples », vous « réguler », comme Manuel Valls,  ne vous forcent à vous assagir ?

L.M : — Les quoi ? J’ai pas compris la question, vous pouvez répéter ?

— Les peuples.

L.M : — Je ne sais pas ce que c’est. Ça rapporte combien chaque année ?

—…

L.M : — Ok, je vois, tu veux peut-être parler des clients ou des consommateurs, c’est ça ?

— C’est ça…

L.M : — Bon, je vois pas trop où est le problème. Les consommateurs ils ont besoin de consommer, et moi, je leur donne tout ce qu’ils veulent, des choses qu’avant ils ne pouvaient pas avoir : des smartphones, des laptops, des tablettes, des écrans TV plats grand format, des poulets congelés pas chers, des OGM qui luttent contre le réchauffement climatique et les sécheresses, des crédits bancaires, des plateformes d’achats en ligne, du trading haute fréquence, des barrières douanières à moins de 8%, des…

— Ok, ok, on a compris. Vous pensez être déjà au service des peuples en gros ?

L.M : — Ben oui, je viens de te l’expliquer. Au service des consommateurs. Les »peuples » ça veut rien dire.

— Et « vous humaniser » comme dit Manuel Valls, être « régulée » ?

L.M : — Il est con ou quoi la marque de montre de luxe ? Je suis humaine. J’ai été conçue par des humains, je suis au cœur de toutes les activités humaines, il veut quoi de plus ?

— Il parle de s’humaniser…

L.M : — Et lui, il est humanisé ? Attends je regarde ma base de données. Ok, ça y est je sais qui c’est. C’est un de mes valets ce « Manuel Valls », en fait, il bosse pour moi depuis le début. Donc, il déconne complet le domestique, là.

— Ah, pourquoi ?

L.M : — Pour pouvoir plus facilement m’éclater, et faire des soirées vraiment cool comme je les kiffe, j’ai demandé si on pouvait passer des accords Europe-Canada, et Europe-Etats-Unis, des trucs en « A », CETA, TAFTA, etc : il a poussé le truc à fond le Manuel, comme je lui ai demandé. Donc là, c’est juste du flan.

— Du flan ?

L.M : — Ben oui, attends, il a toujours été pour que je m’éclate ! Manuel, quand j’ai demandé de pouvoir m’éclater en Europe avec la Constitution machin-truc en 2005, il a applaudi. Et après il a voté pour l’autre traité constitutionnel machin-bidule en 2008 qui m’a permis d’être vraiment tranquille pour faire mes soirées jet-set en Europe !

— Ah oui, je comprends. Et donc, aujourd’hui ?

L.M : — Je vois qu’il y a une élection en 2017, en France, c’est ça ?

— Oui, oui.

L.M : — Et ben voilà, c’est juste que lui et quelques autres, ils se prennent pour mes parents, et comme je me défonce pas mal ces derniers temps, ils veulent essayer de rassurer autour d’eux, parce qu’ils ont peur que s’ils continuent de me fournir de la coke, à force, on va leur reprocher. Les consommateurs…

— Je vois, je vois. Bon, et…

L.M : — Ok, c’était marrant, mais j’ai autre chose à faire là qu’à répondre à tes questions à moitié débiles. Ciao bello !

— …

 

Fin de l’interview exclusive de La Mondialisation.