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La cité radieuse du groupe Auchan se paie un « débat public »

vendredi 25 mars 2016 à 13:30

IMG_3401bis« Vous donner la parole et la faire entendre. » C’est le slogan, très « démocratie participative », de la Commission nationale du débat public (CNDP), institution chargée – pour faire court – de « lubrifier » les relations entre « aménageurs » et « aménagés » du territoire. Sa mission est donc de s’assurer que le public dispose d’informations fiables et diversifiées pour pouvoir « débattre » de l’opportunité même d’un projet de bétonnage — à partir d’un coût minimum de 300 millions d’euros.

Le groupe Auchan compte miser plus de 3 milliards sur Europacity, un méga-complexe (ou plutôt mégalo-complexe) sur 80 Ha mêlant galerie marchande géante avec activités « ludiques et culturelles » (piscines, piste de ski artificiel, salles de spectacles, etc.), le tout érigé dans une architecture mégalomaniaque qui fait penser à une cité futuriste métallique et aseptisée. Ou comment dissimuler un nième centre commercial en l’enrobant de concepts alibis qui n’ont de « culturel » que le slogan, dont le nombre de visiteurs annuel est largement surestimé (31 millions, soit deux fois l’audience d’Eurodisney), qui prévoit de bétonner le Triangle de Gonesse, vaste zone agricole située entre les aéroports du Bourget et de Roissy.

eurocityplanJeudi 17 mars, à Gonesse (Val d’Oise), la CNDP organisait la réunion inaugurale du débat public Europacity, qui comprend une quinzaine de réunions (dans le Val d’Oise et la Seine-St-Denis) programmées jusqu’au mois de juin. Malgré son souci d’informer au mieux les badauds du coin, la CNDP a pourtant tenu sous silence un important rapport sur l’impact écolo du projet en question : un avis de l’Autorité environnementale (AE, qui dépend du  Conseil général de l’environnement et du développement durable, du ministère de l’écologie), rendu deux semaine plus tôt, le 2 mars. Parmi les documents distribués à Gonesse, dans la salle des fêtes Jacques Brel qui a rassemblé au moins 300 personnes, il n’y avait que les plaquettes en papier glacé du « maitre d’ouvrage », c’est à dire d’Alliages & Territoire, filiale d’Immochan, branche béton du groupe Auchan). La CNDP a sans doute eu des problèmes de photocopieuse pour ne pas avoir distribué le rapport de synthèse de l’AE, qui ne faisait qu’une page et demi (cf le rapport complet en PDF).

Tant mieux pour le promoteur, car toute sa communication vise à faire passer Europacity pour une « exemplarité environnementale, respectueux des enjeux de biodiversité du site ». L’AE, dont l’avis est consultatif comme de bien entendu, n’est pourtant pas tendre avec les promesses du promoteur, même si les termes employés sont pesés et sous-pesés pour ne vexer personne.

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Auchan promet par exemple, dans son « étude d’impact » soumise à l’avis de l’AE, de produire localement, et en « renouvelable » s’il vous plaît, 100% de l’énergie qui sera nécessaire pour faire tourner sa mégapole  (au bas mot, 270 GWh/an). Au mieux, note l’AE, seulement « deux-tiers des besoins en froid et en électricité pourraient être produit localement ». Faut dire que les scénarios de consommation énergétique fournis par Auchan « reposent sur une hypothèse de production de froid quatre fois supérieurs au potentiel recensé par l’étude [d’impact] ». Surtout, corrige l’AE, « l’énergie renouvelable locale » est plus qu’hypothétique: elle reposerait sur la géothermie. Or, cela « nécessiterait la réalisation de forages profonds » et de mettre en contact quatre nappes phréatiques du bassin parisien, au risque de contaminer la seule encore identifiée comme « un réservoir d’eau potable non encore affecté par la pollution de surface ». Sans parler des prévisions d’émissions de gaz à effet de serre qu’induiraient es (transports des visiteurs compris), que l’AE estime très incomplètes, « en discordance particulièrement forte avec l’objectif national du facteur 4 » (réduction par 4 des émissions à l’horizon 2050, selon une loi de 2009).

IMG_3392bisEuropacity doit pousser sur une zone vierge de toute urbanisation, et détruire, au passage, 210 Ha de terres parmi les plus fertiles du pays. En guise de contrepartie, une « zone agricole protégée » de 400 Ha devrait être préservée au nord de la zone. Mais l’AE, là aussi, n’avale pas la pilule, et réclame de réels « engagements (…) afin de garantir la pérennité des activités agricoles ». Une autre critique de l’Autorité a même pu être ressentie par les spectateurs de la réunion de Gonesse : l’absence totale de lieu de substitution pour ériger sa cité artificielle. Pour eux, c’est plié : à Gonesse et pas ailleurs. Verbatim des réserves de l’Autorité à ce propos:

[…] l’étude d’impact doit présenter une esquisse des principales solutions de substitution examinées et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l’environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu. En particulier, même si l’urbanisation conditionnelle de ce site est prévue […], le dossier fait le choix d’un emplacement aujourd’hui non urbanisé exposant une population nouvelle importante aux risques et nuisances d’un trafic aérien important. Cette localisation induit, en outre, de multiples contraintes pour une urbanisation dense, conduisant à une consommation d’espaces agricoles accrue. Cela conduit l’Ae à se demander si une démarche d’évitement et la recherche de solutions de substitution ont bien été conduites, d’une part pour la ZAC [zone d’aménagement concertée du Triangle de Gonesse], d’autre part pour EuropaCity.

Le groupe Auchan n’a d’ailleurs aucun doute tout court. Jeudi dernier à Gonesse, Christophe Dalstein, le soldat d’Auchan chef de projet, a parlé au présent et au futur de l’indicatif en présentant son powerpoint – pas l’ombre de conditionnel dans ses propos. La même assurance a été communiquée aux patrons du coin. Une semaine avant le débat public, Alliages et Territoires a invité plus de 350 entrepreneurs, dans les locaux de Manutan (repreneur de la Camif), pour les faire saliver sur les contrats du futur chantier – et, au passage, pour les inciter fortement à venir au débat public dire tout le bien qu’ils pensent de ce projet « bon pour l’emploi ». Le patron de Manutan a répondu présent, et il a posé sa gentille petite question, comme d’autres élus fortement favorables à l’implantation d’Auchan. Le groupe promet en outre que l’exploitation du site créera « 11.800 emplois directs » – dont seulement un tiers seront pourvus auprès des populations locales. Un chiffre tronqué, il est vrai, car il ne tient pas compte des destructions de postes qui vont immanquablement toucher les centres commerciaux voisins. Et sans rappeler que plus des 3/4 de ces contrats concerneront « des personnels non ou peu qualifiés ».
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Tout a déjà été dit ou presque sur l’illusionnisme de ces procédures de « débat public ». Cela s’est vu et démontré sur les nanotechnologies en 2009/10, comme lors de l’implantation des réacteurs nucléaires EPR ou de tel ou tel chantier d’infrastructure dont la décision a déjà été prise. Participer à ces diversions, c’est accepter leur issue fatale : la mise en œuvre du projet, qui sera corrigé à la marge pour donner l’illusion que le peuple a son mot à dire. La CNDP met en scène une consultation où les rapports de force sont faussés d’avance : le porteur de projet, qui règle l’addition du « débat », a tous les moyens d’influencer la perception des habitants, et finalement décide seul s’il tiendra compte des réserves exprimées. D’ailleurs, la neutralité affichée par Claude Brevan, désignée présidente du débat sur Europacity par la CNDP, est toute relative. Elle a été pendant près de dix ans, sous Jospin puis Raffarin (1998-2005)*, Déléguée interministérielle à la ville, l’un des bras armé de l’État en déménagement des territoires.

* Et non comme « sous Sarkozy et Hollande », comme écrit par erreur – cf le commentaire de l’intéressée, Claude Brevan, ci-dessous, et ma réponse dans la foulée.

Lire aussi cette pétition d’un groupe d’opposants : http://nonaeuropacity.wesign.it/fr

Compteurs « intelligents » : la corporatocratie en marche ? #Linky

jeudi 24 mars 2016 à 14:59

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« Dispositifs électropolluants de surveillance » : c’est ainsi que les « smart meters » (compteurs intelligents américains) ont été définis par ceux qui les combattent. Linky, le compteur « intelligent » d’ERDF est en cours d’installation depuis décembre en France, et s’il ne fonctionne pas exactement comme son grand frère américain (communication par CPL chez l’habitant, puis en radio fréquence, et non directement en radiofréquence), il n’en est pas moins un mouchard redoutable installé à domicile, qui augmentera la facture des abonnés au lieu de la faire baisser…

Take back your Power, ce documentaire très fouillé, relate la mise en place forcée et illégale des smart meters aux Etats-Unis, préambule à ce qui est désormais nommé la corporatocratie : le pouvoir des entreprises privées en lieu et place des pouvoirs publics, dans ce qui peut être nommé une « dictature douce ».

La surveillance des populations et leur servage ne s’arrêtera pas à Internet. L’énergie est la dernière pièce du puzzle en cours de constitution. Celui du cauchemar orwellien.

Bon visionnage.

Terrorisme : raconter l’émotion, jusqu’à l’écœurement, pour ne pas parler du fond

mercredi 23 mars 2016 à 11:40

Les attentats terroristes choquent. Attristent. Effrayent. Surtout quand ils sont nationaux, ou dans un pays voisin. Chacun se sent touché, parce qu’il aurait pu être une victime. Chacun s’identifie. Nettement moins quand ce sont des gens de pays plus éloignés, de culture différente. La Côte d’Ivoire, récemment, en est une parfaite illustration. Au fond, les médias ne font plus qu’une chose : raconter l’émotion : la douleur, la souffrance, la peur à nos portes. Pour éviter de parler du fond. Des raisons qui poussent des terroristes à tuer, et de ceux qui les commanditent. Mais surtout, de la responsabilité politique des gouvernements des pays touchés par le terrorisme.

« Ils attaquent le cosmopolitisme, notre liberté d’expression »

C’est ce genre de phrases qui parsèment la presse écrite, télévisuelle ou radio. Proférées par des analystes ou des politiques qui n’ont qu’une seule vocation : éviter de parler du fond. Comme si le terrorisme djihadiste n’était qu’une volonté de fous de dieu de s’en prendre à un modèle de société qu’ils détesteraient.

Jusqu’à une époque pas si éloignée, quand des terroristes revendiquaient des attentats, leurs revendications étaient « discutées « dans les pays industrialisés. Parfois, négociées. De l’extrême gauche à l’extrême droite, de Khadafi à l’IRA ou à l’ETA, le terrorisme était condamné — et c’est bien la moindre des choses — mais pour autant n’était pas relégué à une simple action violente sans aucun fond. Politique.

Le terrorisme est politique. Toujours. L’État islamique, ce Califat désormais organisé et territorialisé s’est créé par réaction et volonté politique. Que le religieux y soit brandi est parfaitement logique, puisqu’il est une composante politique très importante de la région : le proche et moyen-orient. Politique et religieux y sont parfaitement imbriqués. Les gouvernements américains, français, et de manière générale, ceux de l’Union européenne sont partie prenante de la situation au Proche-Orient, en bons alliés des Etats-Unis d’Amérique. Particulièrement depuis 2003 avec l’invasion de l’Irak. Il y a donc une responsabilité américano-européenne dans le chaos qui secoue cette région — et au delà — une responsabilité stratégique de déstabilisation totale de la région par des actes de guerre parfaitement illégaux et monstrueux.

Hellfires, bombes et « fausse guerre »

Parler des poseurs de bombes ou des kamikazes dont les actes sont revendiqués par un pays étranger, et chercher à comprendre comment ils ont pu le faire, chercher des solutions pour les arrêter, les contenir, les repérer, est à peu près aussi pertinent que vouloir empêcher la pluie de détremper un champ avec des bassines.

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Ces photos de la prison d’Abu Ghraib en Irak n’ont aucun rapport avec la radicalisation islamiste terroriste. Non, aucun rapport. Ils haïssent juste notre liberté.

Il n’y a aucune solution sécuritaire pour empêcher des individus — purs instruments fanatisés engendrés et soutenus par le Califat — de passer à l’acte, à l’échelle d’un pays, et encore moins à l’échelle d’un continent. Cette réponse décalée, qui voudrait faire accroire que l’Europe parviendrait — en se transformant en forteresse, en créant un système policier et autoritaire, en réduisant les libertés, — à se prémunir de nouvelles attaques terroristes, est un leurre politique qui ne changera rien. Voire, qui accentuera le problème. Exactement comme la guerre contre le terrorisme de Georges Walter Bush a fait exploser le terrorisme au sein de la « planète islamiste » au lieu de le faire disparaître.

Le refus des responsables politiques de parler des réalités proches et moyen-orientales et de leur implication dans les « véritables guerres » qui s’y déroulent, est un problème central pour tenter de résoudre le problème des attentats en Europe. Répéter « nous sommes en guerre » en réponse à un attentat, lorsque l’on est premier ministre, est une manœuvre dangereuse. Le premier effet est d’amplifier l’action des terroristes, de leur donner un pouvoir immense. Le second est de générer un sentiment de trouble, d’angoisse et de crainte parmi les populations. Le troisième est de démontrer que cette réponse est parfaitement mensongère et décalée avec la réalité. Ce qui ne peut qu’inciter les populations à ne plus comprendre ce qu’il se passe, ni comment cet effroyable situation va finir par s’arrêter.

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Alep, été 2015 : une ville dans un pays vraiment en guerre, et bombardé par la coalition arabo-occidentale depuis 2014.

Si la France est en guerre, elle doit la déclarer. Officiellement. Reconnaître le Califat comme un Etat ennemi qui l’a attaqué sur son propre territoire. Puis envoyer son armée se battre contre les soldats de l’armée du Califat, jusqu’à un dénouement militaire. Dénouement qui sera, soit le repli des troupes françaises (européennes ?), soit la reddition du Califat.

Ou alors, nous « sommes en guerre », mais nous ne faisons pas vraiment la guerre. Il faut dans ce cas, faire jouer la diplomatie. Discuter avec l’État contre lequel nous « sommes en guerre », le Califat, pour parvenir à une issue diplomatique. Envoyer des ambassadeurs, négocier. Ou bien, encore, nous « ne sommes pas vraiment en guerre ». Ce qui signifierait qu’en réalité, « nos » armées (USA, France, Royaume-uni etc…), depuis des années, en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, en Syrie, pratiquent une forme étrange d’ingérence militaire qui voit par exemple des centaines de personnes déchiquetées par des missiles alors qu’ils sont en pleine cérémonie de mariage, ou des populations mourir à petit feu sous les bombes que « nos avions » larguent. Une guerre qui ne se nomme pas. Mais qui tue, épuise, déstabilise et renforce la haine à l’encontre de nos pays ?

Non, bien entendu. Ce ne sont que des fanatiques qui haïssent juste notre liberté et nos valeurs. Les meilleures du monde, nos valeurs. Bien entendu… Il n’y a donc rien à faire d’autre que de parler des tueurs, du fanatisme religieux, s’indigner, s’en moquer, demander plus de sécurité, et attendre. Une génération, d’après Manuel Valls. C’est ce qui s’appelle faire le « job » en langage politique. Les proches des victimes des attentats, des bombardements, de partout sur la planète, apprécieront.

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La famine au Darfimbabwour : une analyse stupéfiante de #LaPresse et de son public

mardi 22 mars 2016 à 15:17

Vous êtes un peu déprimé ? Vous le serez encore un peu plus lorsque vous aurez visionné cette vidéo qui analyse avec une pertinence stupéfiante le traitement médiatique de la famine au Darfimbabwour, les réactions du public, le rôle des « experts ». Bref, c’est criant de vérité et démoralisant à souhait.

 

 

Le conditionnement quotidien : l’arme absolue contre toute rébellion

mardi 22 mars 2016 à 10:55

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Les conditions pour un nouveau mai 68 sont souvent citées lorsque des manifestations surviennent impliquant la jeunesse. Depuis une vingtaine d’années, au moins. Comme si mai 68 était un absolu qui pouvait se régénérer à travers les âges et pouvait permettre un changement de société salvateur et bienvenu. Sauf que tout a changé ou presque en… un demi siècle. Petite revue de l’impossibilité intrinsèque actuelle de voir un quelconque mouvement de contestation de la société par la jeunesse française soutenue par une partie de la population (un peu plus âgée), survenir.

1968 : le grand dé-conditionnement

1968, c’est un peu la préhistoire en termes de contrôle des populations et des capacités d’influence de masse. Comme celles de la surveillance. C’était il y a 48 ans. Pas d’ordinateurs domestiques, pas de satellites, pas de de distributeur de billets de banque et donc pas de carte à puce, le seul téléphone filiaire, des journaux papiers, et… deux chaînes de TV. En réalité, le fonctionnement de la France en 1968 est plus proche de celui de la fin du XIXème siècle que de l’époque l’actuelle. Les premières tentatives de « conditionnement et influence des esprits » ont bien débuté aux Etats-Unis dans les années 50, mais elles sont embryonnaires, avec un manque crucial : les technologies de masse.

C’est ainsi qu’une jeunesse parfaitement survoltée commence à revendiquer une liberté totale et parfaitement antinomique avec les objectifs des oligarchies capitalistes en place.

Mouvement beatnik de libération des corps et des esprits, concerts de rock déjantés, cafés plein à ras bord de jeunes gens en train de refaire le monde à grands coups de citations de philosophes et d’auteurs contestataires du système de consommation : en 1968, on pense, on met en cause, on échange, on se rencontre, on imagine. « L’imagination au pouvoir », ce slogan n’est pas étranger à l’immense vague d’espoir que soulève la jeunesse de l’époque, fermement décidée à remettre en cause toutes les règles du système politique, économique et social.

50 ans plus tard : des hamsters dans des cages numériques

Le monde bipolaire de 1968 n’est plus. Il n’y a plus deux camps qui s’opposent, celui du capitalisme et celui du communisme. Le premier a remporté la bataille idéologique et fait basculer le monde industrialisé dans une unique politique, économique et sociale. Les fondements de l’idéologie capitaliste sont simples et anciens, à la portée d’un simple d’esprit, puisqu’ils ne comportent que quelques éléments basiques, que l’on peut réunir sous des verbes comme : consommer, dominer, s’emparer, améliorer, optimiser, gagner, conserver. Le principe de l’idéologie dominante, diffusé en boucle sur tous les supports de communication est celui d’une boucle de rétroaction psychique basée sur des pulsions primaires, dont la première est celle de l’achat. Posséder des objets. Emplir le vide intérieur avec des images, des sons, des objets de distraction, des aliments, des sensations offertes par la consommation. L’objectif d’une vie moderne est simple : obtenir de l’argent, pour combler, par l’achat, le vide intrinsèque que chacun porte en soi.

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L’éducation est au centre de la sensation de vide partagée par une grande part des populations industrielles et industrieuses. La plus grande partie des individus a été élevée devant un écran de télévision, puis par des jeux vidéos, et finalement des « espaces numériques de consommation de masse », et au final, les trois ensemble. Tous ces médias sont industriels, conçus par et pour une industrie qui ne vise qu’une chose : la maximisation de ses profits, par la captation du public le plus nombreux possible. Chaque journée passée à remplir son cerveau des heures durant de spectacles de distraction amplifie une capacité bien connue : le conditionnement. Basé sur l’addiction, le conditionnement est la source du système capitaliste moderne. Il fonctionne parfaitement aujourd’hui, avec centaines de millions de hamsters humains tournant quotidiennement dans une cage — numérique — la plupart du temps.

La fin de l’intelligence est enclenchée

Les outils numériques les plus consommés sur la planète ont capté l’attention des individus au point de les empêcher de  comprendre par eux-mêmes la réalité qui les entoure. L’influence exercée par le flux incessant d’informations est centrale et rythme le quotidien d’une majorité de la population qui pense comprendre le monde alors qu’elle ne fait qu’une seule chose : laisser une vision du monde — totalement fabriquée — pénétrer leur esprit au point de changer leurs émotions et les mener à des comportements déterminés. La captologie, utilisée par Facebook via son système de newsfeed est un exemple — connu — parmi d’autres. La Darpa (département de recherche de la défense américaine) y travaille aussi.

Google est soupçonné de pouvoir jouer avec ses résultats pour influencer l’élection présidentielle américaine, s’il le souhaitait :

We present evidence from five experiments in two countries suggesting the power and robustness of the search engine manipulation effect (SEME). Specifically, we show that (i) biased search rankings can shift the voting preferences of undecided voters by 20% or more, (ii) the shift can be much higher in some demographic groups, and (iii) such rankings can be masked so that people show no awareness of the manipulation. Knowing the proportion of undecided voters in a population who have Internet access, along with the proportion of those voters who can be influenced using SEME, allows one to calculate the win margin below which SEME might be able to determine an election outcome.

Les chercheurs démontrent dans leur étude que les résultats d’un moteur de recherche influencent de façon « dramatique » le comportement individus, leur façon de consommer, leur préférences :

Recent research has demonstrated that the rankings of search results provided by search engine companies have a dramatic impact on consumer attitudes, preferences, and behavior (source : The search engine manipulation effect (SEME) and its possible impact on the outcomes of elections)

La fin de l’intelligence humaine est enclenchée. Ce qui est nommé « intelligence » n’est pas la capacité à obtenir de bons résultats à des test de QI ou parvenir à obtenir des diplômes, savoir réaliser des tâches abstraites ou résoudre des problèmes. Non. C’est la fin de l’intelligence humaine en tant que capacité à exprimer de façon individuelle une critique autonome, à discriminer le vrai du faux, à comprendre le réel pour ce qu’il est, à penser au delà des références établies, etc…

Se rebeller ? Oui, mais pourquoi ?

L’émergence d’un nouveau mai 68 n’est pas envisageable en 2016 : la population, massivement, a accepté et se nourrit du système qu’elle peut à certains moments contester… à la marge. L’enseigne MacDonald’s accueille 440 millions de clients par an en France.  (extrait d’un site de propagande commerciale d’information des « tendances jeunes »)

S’il y a bien une marque qui sait comment surprendre les jeunes consommateurs grâce à des opérations offline, c’est clairement McDonald’s ! Hier, la rédaction d’Air of melty vous dévoilait le nouveau panneau publicitaire ultra pertinent (et rafraîchissant) de McDo en période de canicule, comme une preuve de plus que l’affichage offline n’était pas mort, bien au contraire, même auprès des désormais célèbres Digital Natives. Nous vous le disions, que ce soit en ligne ou dans le monde réel, les jeunes consommateurs attendent des marques qu’elles leur proposent des expériences inédites, marquantes et surtout adaptées à leurs attentes. Et c’est exactement ce qu’a mis en place la chaîne de restauration rapide.

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La rébellion devra attendre que des hordes de jeunes sortent de chez MacDonald’s et laissent de côté les « expériences inédites » de la marque. Il leur faudra aussi moins visionner de vidéos sur Youtube pour prendre le temps de se questionner sur la société dans laquelle ils aimeraient vivre, ou encore ce qu’est une démocratie, et si la liberté est principalement une liberté d’achat ou un peu plus…

Des solutions ? Oui, mais avec beaucoup d’efforts…

Une société constituée principalement de zombies assistés par des robots pour la quasi totalité de leurs activités ne peut pas se rebeller. Au contraire. La technologie n’est pas devenue un outil de libération et de créativité, elle est actuellement le cœur du conditionnement individuel. Sachant que l’éducation est centrale pour permettre l’émancipation, et que celle-ci a été vendue à « l’entreprise », il semble difficile d’imaginer un quelconque changement positif émancipateur à venir dans les sociétés modernes. La seule issue semble être la création de lieux alternatifs, d’éducation populaire, où les individus peuvent s’emparer de la technologie pour mieux s’en libérer, où l’humain passe avant la machine. Ces lieux voient le jour, de plus en plus, et même s’ils ne seront jamais suffisants à l’échelle du pays, ils permettent d’organiser des communautés de personnes qui seront — et c’est une certitude — la future résistance face au totalitarisme techno-capitaliste en cours de constitution. La différence entre ceux qui créent ces lieux, y participent et ceux qui « contestent en ligne », se situe dans très peu de choses, pourtant devenues centrales : la liberté réelle, l’effort collectif et l’humain…

Cette vidéo, récente, dévoile quelque chose de parfaitement évident : quand l’être humain abandonne son esprit aux machines, il en devient une, et à termes, rien ne les distinguera…