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On Vaut Mieux Que Ca !

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J’ai jamais travaillé et risque de ne jamais travailler : je suis handicapé. Plus exactement handicapé psychique.

mardi 28 février 2017 à 12:00

On vaut mieux que cette angoisse perpétuelle de se retrouver à la rue, au nom du caprice d’un type bien à l’abri du chômage.
Pourtant moi, j’ai jamais travaillé et risque de ne jamais travailler : je suis handicapé. Plus exactement handicapé psychique. Plus exactement encore, schizophrène depuis mes 16 ans. Je n’ai même pas eu la possibilité de réussir mon baccalauréat. De toute façon à quoi me servirait-il ? Dans le monde actuel, un jeune de presque 27 ans qui n’a jamais travaillé ne trouvera pas de boulot, dans le coin où j’habite. Ou alors de ceux que tout le monde refuse. Il n’y a pas de sots métiers mais il y a par contre de sottes conditions de travail. A 20 ans à peine, j’ai été au Pôle Emploi comme tout le monde, mais sans bac ou diplôme plus valorisant que le brevet des collèges. Je n’y suis resté que le temps de constater le matraquage constant de nos DEVOIRS de demandeurs d’emploi, à la grande mode sous l’ère Sarkozy, de constater qu’avec le niveau bac tout ce qu’on avait à me proposer c’était de la saisie informatique à temps partiel, puis d’admirer la splendide logique administrative de Pôle Emploi, qui envoie des lettres de rendez-vous pour la veille, et où on sent à moitié une véritable volonté de mal faire pour écluser les types qui comme moi, étaient fragiles et peu susceptibles de tenir sur la durée. On m’a vite viré.
Quelques mois plus tard, je faisais ma première demande d’AAH (allocation adulte handicapé) à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), demande validée sept mois plus tard.
J’ai connu la joie de chercher des appartements en ville avec cette étiquette AAH collée sur le front.
Une seule agence m’a répondu favorablement et m’a trouvé une place. Les autres m’ont éconduit plus ou moins malproprement. Certaines furent carrément odieuses quand elles surent que je n’étais ni étudiant ni au travail.
Nous les schizophrènes sommes un peu à part dans le monde actuel. 80% d’entre nous sont dans mon cas. A l’AAH. Parce que personne ne souhaite vraiment d’un handicapé psychique dans son entreprise. Parce qu’il existe des tas de préjugés à notre égard. On serait « dangereux », d’après monsieur Sarkozy et son plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus mais ce n’est pas le sujet.
Le sujet, c’est que ça fait maintenant 7 ans que je suis sous ce régime particulier de l’AAH et qu’on me fait sentir TOUT, absolument TOUT ce que mon « attitude de fainéant » a d’anti-patriotique.
Entre les gens qui me disent que je devrais repasser mon bac en candidat libre… Ceux qui me proposent des petits boulots au noir payés 20€ pour déboguer leur ordinateur à la corbeille saturée… « Pour aider ». Clairement, on vaut mieux que ça.
Mais le pire ça reste le discours en vogue qui est qu’en tant qu’inactifs, nous sommes un poids pour la société. Que nous coûtons aux autres. Que nous sommes des parasites, des assistés.
On vaut mieux que les cousins, les oncles, les tantes, les membres éloignés de la famille qui crachent sur les assistés en ignorant que nous en faisons partie, puis se trouvent gênés quand on leur dit « ce qu’on fait dans la vie ». On vaut mieux que le gel d’un an de revalorisation de l’AAH qui nous a frappés en 2012. On vaut mieux que 800€ à peine par mois. Oui, beaucoup de jeunes de ma génération galèrent davantage que moi. Ceux qui vivent avec moins que moi existent et ne sont pas qu’une poignée.
Mais eux ont la possibilité de temps en temps de se tuer au travail. Et pendant ce temps, ils paraissent comme les gens les plus responsables du monde.
Nous, handicapés psychiques, sommes nombreux à ne plus jamais travailler après une crise en public.
Sur Internet les témoignages de schizophrènes obligés de fuir le travail pour avoir décompensé brutalement au boulot ne manquent pas.
Nous, de plus, sommes constamment découragés d’espérer un jour trouver une place dans un travail quelconque. Par nos psychiatres, nos infirmières référentes, nos psychologues, notre famille, par le marché de l’emploi lui-même et leurs prophètes les agents de Pôle Emploi qui nous renvoient systématiquement vers une agence spécialisée dans le travail des handicapés où tout ce qu’on nous propose c’est l’ESAT, une invention formidable où nous sommes payés une misère au nom de la compatibilité de cet emploi avec une AAH partielle, où les rendements ne sont pas forcément adaptés aux problèmes des gens qui y travaillent.
Et moi, quand je vois la souffrance des travailleurs dans le hashtag #OnVautMieuxQueCa, je me sens effondré de me dire qu’avec la loi El Khomry, il ne me restera peut-être plus que le choix de l’AAH à vie. Moi qui rêve secrètement d’un jour travailler. Dans n’importe quoi, pourvu que j’en sois capable. Mais jour après jour, année après année, on me serine que le monde du travail va me broyer si j’y entre. Dans quel monde vivons-nous pour qu’on trouve normal que le travail broie les gens ? Qu’est-ce que ce sera après la loi Travail ?

La vie dans le travail est insupportable.
La vie hors du travail l’est tout autant. Pas pour les mêmes raisons.
J’ai tourné en rond pendant des années dans mon appartement déglingué. Ne rien faire, ne pas travailler, c’est avant tout n’avoir aucune relation sociale. C’est être transparent pour les gens autour de vous. C’est être une sorte de petite souris qui se cache par honte quand, à la télé, à la radio, sur Internet ou dans les repas de famille, on se met à fustiger les assistés qui jouissent de leur inactivité gratis. Comme si l’inactivité c’était d’éternelles vacances payées une fortune.
C’est aussi jouer perpétuellement au caméléon ou au poker menteur en société pour ne pas avoir à dire qu’on ne travaille pas et qu’on vit d’une allocation de la CAF. C’est ne jamais pouvoir cracher sa frustration permanente d’être vu comme un moins que rien par une société entière. C’est avoir les tripes qui se tordent dans tous les sens quand un politicien ou un journaliste parle de fraude à la CAF. C’est surtout ne pas pouvoir partager avec la famille ce qui fait l’essentiel des discussions avec nos grands-mères ou entre cousins et qui se résume par « Et toi, que fais-tu dans la vie ? ».

Depuis quelques mois je fais partie d’un club photo. J’ai une activité dans la vie réelle. Mais rien qui me permette de dire « Aujourd’hui, j’ai fait ceci, j’ai appris cela, j’ai rencontré machin ou je me suis engueulé avec machine. »
Depuis 2013 j’ai un blog, et un second depuis fin 2014. J’y pose mes rêves et mes haines, mes angoisses et mes songes. Mais même ça, qui me prend énormément d’énergie, de temps et de courage, ce n’est pas du travail.
On nous demande à tous d’être productifs en ignorant assez sciemment qu’il existe des gens qui ont un mal fou à accéder à l’emploi. D’abord parce que leur condition ne leur permet pas forcément. Ensuite parce que leurs proches leur déconseille. Ensuite parce que les institutions ne font rien pour les y aider. Enfin parce que la société elle-même nous regarde de travers. Vous avez déjà entendu parler du sondage sur la perception des malades psychiques ? Les résultats sont éloquents : entre autres joyeusetés, 42% de la population nous estime incapables de nous occuper d’une famille, 50% se sentiraient gênés de vivre sous le même toit que nous, 35% seraient gênés de travailler avec nous… Et 30% de simplement partager un repas avec nous. Allez voir ici => https://www.klesia.fr/web/groupe/-/maladies-mentales-sondage-ipsos-fondamental-klesia

Oui, clairement, nous aussi #OnVautMieuxQueCa.

Solidairement,
Un Y qui en a un peu vachement marre…

Je me destinais à des métiers plus créatifs avec des débouchées impliquant des responsabilités managériales

lundi 27 février 2017 à 12:00

Je m’appelle C*, j’ai 27 ans et je suis sortie major de ma promotion en 2012. Formée à la gestion de projet multimédia (master 2), j’avais un profil très polyvalent et je me destinais davantage à des métiers plus créatifs mais avec des débouchées impliquant des responsabilités managériales. Avec un an de stage dans les pattes, je n’ai finalement pas trouvé d’emploi, durant un mois, puis deux, puis trois, puis un an, puis deux ans et une grave dépression à la clef, me remettant en question chaque fois que je le pouvais et accumulant les versions de CV jusqu’à la nausée. J’ai eu la chance de trouver un emploi alimentaire pour survivre il y a 1 an (11 mois après le dépôt de CV) et je suis aujourd’hui vendeuse dans une grande enseigne. C’est mieux que rien, même si j’aimerais parfois occuper mon cerveau à autre chose.Bref, tout ça pour en arriver à ce témoignage parmi tant d’autres, figé dans un moment précis de mon existence et de ma frustration. J’espère que vous apprécierez ce texte (en pièce-jointe) autant qu’il a pu me soulager à l’époque.

CONTE

Il était une fois, dans un lointain royaume fait de grès et de poussière, une douce âme naïve qui

désespérait d’apporter de l’eau à son moulin. Tous, de l’habitant du village aux nobles malandrins, ne

tarissaient pas d’éloges sur son habileté et chantaient à qui voulait bien l’entendre qu’elle fut promise

à une radieuse destinée.

Mais par la grâce divine de quelques esprits avinés, elle demeurait quelques temps plus tard sans

profession aucune ; en auriez-vous seulement douté ? Chaque demande, qui bientôt devinrent

tristes supplications, se soldaient irrémédiablement par une refus net et franc, un coup de pied au

postérieur sans sommation.

L’on dit que le serpent est sourd, la belle disait que l’homme est infirme, dénué de cœur et de

jugeote. Elle contait à qui avait le courage pour l’entendre ses tristes pérégrinations, et s’indignait

que l’employeur puisse avoir choisi délibérément le paradoxe plutôt que la raison. Si il cherchait

l’expérience, il souhaitait avant tout la jeunesse. Et quand il désirait les compétences, c’est l’avidité

qui retenait sa largesse.

Ô bien sûr il ne fallait guère en vouloir qu’à lui, car après tout pour les plus modestes d’entre eux,

c’est le royaume qui pesait sur leurs humbles négoces. Quant à ceux qui pouvaient s’acquitter du

tribut qu’ils devaient au suzerain, c’est par vénalité qu’ils exploitaient le sot jusqu’à ce qu’il n’en

reste rien. Après tout, le pays regorgeait d’âmes en peine qui acceptaient le poids de la servitude

contre quelques deniers, et qui pour un semblant de reconnaissance refoulaient ce qui un fut un jour

leur dignité.

Rendue amère par ses mésaventures, la belle se dit qu’il vaudrait peut-être mieux faire tourner son

moulin à la force de ses bras. Après tout quoi de plus noble et de plus glorifiant que de construire

son propre échafaud, ne croyez-vous pas ? Mais là encore dans ce royaume qui se marchait sur la

tête, elle se heurta à quelques difficultés. Car croyez-le ou non, le suzerain avait édicté quelques

commandements pour épauler le prolétaire, enfin soi-disant.

C’est ainsi qu’elle découvrit qu’avant même de pouvoir travailler, c’est envers son roi qu’elle était

redevable. La douce et naïve jeune fille en fut contrariée et l’issue de cette initiative bien regrettable.

Quand bien même elle aurait souhaité explorer d’autres horizons, on ne donnait plus sa chance sans

l’aval d’un quelconque diplôme. De la poudre aux yeux pour nos très aimables grisons et une façon

efficace de scléroser le royaume.

Alors la belle se rendit près de l’océan, noyer son chagrin dans l’écume bouillonnante. Elle

contemplait distraitement l’horizon, espérant que les vastes terres au loin fussent plus accueillantes.

Moralité : Ce n’est – dans cette vie présente – ni votre habileté, ni votre motivation qui seront

considérées mais bien l’intitulé sur un morceau de parchemin et une case dans laquelle il vous

faudra impérativement rentrer. Ne désespérez pas, un jour viendra où le royaume aura peut-être

besoin de vous. En attendant contemplez le vaste horizon, car au loin vous savez, plus vert est le

gazon.

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Je rêvais d’être routier, de parcourir le globe, de faire un métier passionnant…

lundi 27 février 2017 à 10:00

Maman, j’ai peur, je me sent si seul si tu savais, j’ai 26 ans, je travaille dix heures par jour, onze, douze, treize heures, je

travaille encore et encore, mon corps s’épuise, mes nuits sont courtes, je m’alimente vite fait, histoire de gratter quelques
minutes sur mon temps libre déjà si court, je fournis chaque jour des efforts physiques intenses, tout les jours la même
journée qui se répète, 4h30 le réveil qui sonne, la boule au ventre, la fatigue qui me tiraille, j’en vient à en être malade
rien qu’à l’idée d’aller travailler, j’ai même fait ma première insomnie, moi qui ai toujours eu le sommeil facile, j’ai du
mal à dormir, chaque jour la même journée, cet éternel recommencement, et ces pensées qui me hantent, qui me suivent,
sans jamais me laisser de répit, pourquoi ? A quoi rime mon travail, tout cela n’a aucun sens, je ne fait qu’apporter ma
contribution à cette société de consommation sans limite, je me sens sale, j’ai l’impression de me prostituer, de vendre
mon corps à des gens inhumains pour qui je ne suis qu’une bête, une bête qui une fois bien rentabilisée et bien abimée
sera aussi tôt remplacée par une bête plus jeune et en pleine santé ! L’ironie dans tout ça, c’est que ces même êtres
inhumains qui m’exploitent attendent que je me donne à fond et que je soit reconnaissant de la chance qu’ils me
donnent, une chance ?!
Il est 19h30, cela fait peu de temps que je suis rentré du travail, dans quelques minutes je vais avaler ce plat préparé sans
saveur que j’aurai au préalable réchauffer au micro-onde, je vais aller prendre ma douche, puis me je vais aller gentillement
me coucher, en ayant les mêmes pensées qui me hantent encore et toujours, en ayant cette même boule au ventre
quotidienne, en étant apeuré à l’idée que demain la même journée se répète, encore …
Je rêvais d’être routier, de parcourir le globe, de faire un métier passionnant, de voir du paysage, de tailler la route, de
rencontrer des gens sympas, de vivre un tas d’expériences enrichissantes …
Au lieu de ça je suis tombé sur un patron qui m’exploitais sans contrat, qui me payais en liquide, 200 euros par semaine,
qui m’a poussé à travailler jusqu’à 21h en une journée, mais j’ai rien dit, c’était mon premier job, je me suis dit que ça
me ferai de l’expérience, et puis j’ai pu trouver une seconde société, qui m’a encore exploité, parce que j’étais jeune
et n’avais pas de vie de famille, puis une troisième, là encore le même couplet, 50h par semaine, un salaire à peine plus
élevé que le smic, de la manutention, conduite d’engin élévateur formé sur le tas sans aucune attestation, et puis après
une demande de rupture conventionnelle, j’ai été licencié pour faute grave qu’ils ont dit, la faute ?
Ils ont renversé de la marchandise dans le camion, ont fait des photos, et me les ont montrées en souriant en me
disant la voilà, la faute grave …
Et puis une quatrième, je travaille bien, je suis un bon élément, mais les journées sont longues et pénibles, et malgré
tout nos efforts, ont nous en demande toujours plus, les statistiques qu’ils disent !
Mais merde moi j’en peut plus maman, je suis fatigué de toute ces statistiques, je ne suis pas une statistique, je ne suis
pas du bétail, moi je demandai pas grand chose, je voulais juste faire ma petite vie tranquille, avoir mon petit chalet
chaleureux dans un coin pénard, je voulais juste m’épanouir, apprendre plein de choses, aller au bout de mes passions,
faire de la photo, apprendre à jouer des instruments, apprendre pleins de choses sur la nature, j’avais aussi pleins de rêves,
je voulais vivre pleinement, intensément, ressentir la vie à travers tout un tas d’émotions et d’expériences !
Mais mes rêves il me les ont volé, j’ai vendu mon âme au diable, et je me sent mourir en dedans sans but, et sans avenir
certains, emprisonné dans ce quotidien vicieux et sans fin, j’aimerai tant m’en sortir, mais faut dire qu’avec toute leurs
lois ils sont plutôt doués pour tenir les gens en laisse !
J’ai mal à mon coeur maman, j’ai mal à mon monde, l’enfant autrefois plein de vie, d’entrain et de rêve est aujourd’hui
apeuré, désabusé, ce monde  » d’adultes  » m’angoisse, c’est pas comme ça que j’imaginai la vie !
Si encore il n’y avait que le travail, mais j’ouvre les yeux chaque matin et je voit ce monde partir à la dérive, je voit la haine
envahir les cœurs, je voit des gens qui appellent à l’aide et des passants amusés qui au lieux de brandir leurs mains,
dégainent leur smartphone pour filmer ces gens en détresse, je vois des illusions d’un monde merveilleux germer
partout sur les pancartes publicitaires, et de laisser inéluctablement sur leurs routes des gens envieux, jaloux, malheureux
de ne pouvoir atteindre du bout des doigts les belles promesses qu’on leur fait, je voit des gens qui se renferment sur eux
même et qui vivent par procuration à travers leurs gadgets high tech …
Mais c’est pas comme ça que tu m’a élevé maman, tu m’a transmis des valeurs, tu m’a appris qu’il fallait aider son prochain,
qu’il fallait se respecter, s’aimer, qu’il ne fallait pas juger, mais je ne reconnait rien de tout ça dans ce monde qu’ils nous
laissent ces êtres inhumains assoiffés de pouvoir et d’argent, et je suis si triste, et si seul, je n’ai personne avec qui partager
ces douleurs, ces maux qui me pèsent, ces cauchemars qui m’arrachent à mon sommeil, et pourtant je suis sûr que nous
sommes tellement nombreux à souffrir en silence chacun dans notre coin avec nos smartphones comme seul lot de
consolation, mais tout ces gens qui souffrent comme je souffre, qui se sentent isolés, absorbés par leur travail, esclaves
de leur vie, tout ces malheureux silencieux qui pour certains n’ont plus le courage et préfère mettre fin à leur jours,
tout ces oubliés, ces gens qui pleurent seuls le soir au fond de leur lit, j’ai envie de courir vers eux, j’ai envie que tous
ensembles nous nous prenions dans les bras, que tous ensembles nous pleurions, je rêve d’un monde où un matin
les gens se réveilleront et dans un élan frénétique d’humanité, jetterons à terre leur smartphone, relèverons leurs
yeux, et que tous ensemble on se reconnecte, que tous ensemble on se prennent dans la main, que nos voix s’élèvent
comme un chant révolutionnaire, que nos cœurs battent à l’unisson, je rêve d’un monde où toute les barrières
tomberaient d’un coup d’un seul, et que tous ensemble dans une fraternité sans pareil, nous nous dressions face
à ces êtres inhumains, si petits en nombre, que nous leur fassions barrage et que nous reprenions notre avenir en main, pour
nous, pour tout ces enfants innocents, ces mêmes enfants qui lorsque je les voit sourire, ces mêmes enfants dont je peut
voir les yeux plein de bonheur, me fend le cœur, parce que même si je ne veut pas leur montrer, j’ai peur pour eux, ils
n’ont rien demander, nous non plus, parce qu’au fond nous sommes tous des enfants avec quelques années de plus
seulement mais il semble que nous l’ayons oublié !
J’aimerai crier mon amour au monde entier, crier à m’en écorcher les poumons que la vie est belle et que nous sommes
tous unis, que nous partageons la même planète, que nous poursuivons le même rêve de bonheur universel, et que nous
ne voulons pas haïr notre prochain, j’aimerai crier à la terre entière qu’ils n’ont pas le droit, ces êtres abominables,
de nous réduire à l’état de matière première à coups de lois qu’ils votent sans notre consentement, putain maman si
tu savais comme j’ai envie de pouvoir changer les choses, je chiale comme c’est pas permis, j’aimerai croire que c’est possible,
et je m’accroche, c’est dur mais je m’accroche putain !
Je me raccroche à la vie comme un damné parce que je ne veut pas abandonner, je veut croire qu’un monde meilleur est
possible, mais putain je me sent si seul, mon âme crève de ce manque d’humanité et d’amour, j’en crève, et
j’espère que je tiendrai bon, je doit tenir, mais je ne sait pas pendant combien de temps encore je tiendrai ainsi, dit moi que
tout ira bien, dis moi que rien est perdu d’avance, dis moi que nous pouvons changer cela, j’ai besoin d’y croire, car lentement
je me meurt …
à toi maman, à tous ces gens que je ne connait pas qui souffrent en silence, à mes frères et sœurs, à toi
papa, à tous ces laissés pour compte, à cette putain qu’est la vie, à l’humanité, voilà j’avais besoin que ces mots sortent, qu’ils
soient une bouteille à la mer, puissent il faire prendre conscience ne serait ce qu’à une seule personne qu’elle n’est pas seule.

Mon expérience avec le chômage et Pole Emploi depuis 2007

lundi 27 février 2017 à 10:00

Mon expérience avec le chômage et Pole Emploi depuis 2007 :

– Je suis une femme de 55 ans, diplômée de l’enseignement supérieur,

avec 30 ans d’expérience professionnelle dans diverses fonctions dont

Assistante de Direction. Je suis qualifiée.

– En 2007, après une mise au placard par le nouvel acquéreur de

l’entreprise pour laquelle je travaillais, je me suis fait licencier.

– J’ai trouvé du travail en intérim, difficilement, mais du travail tout de

même. Pour cela il a fallu que je rogne sur mes prétentions salariales.

– Pour des raisons personnelles j’ai changé de région. Je suis partie vivre

dans le sud. L’ANPE était devenue POLE EMPLOI. On m’a d’abord signifié

que je devais revoir mes prétentions salariales, que la règle était plutôt le

SMIC. Selon les périodes j’ai travaillé à temps partiel, toujours au SMIC,

mais depuis un an, c’est chômage total.

– Les seuls jobs que l’on m’a proposés sont presque toujours encadrés par

un contrat aidé, 20 heures hebdo payés au SMIC, ce qui ne fait pas lourd

pour vivre, mais le plus insupportable est sûrement lorsque l’on

m’envoie des propositions pour faire de la vente auprès de particuliers

en auto entrepreneuriat bien entendu (vente de lingerie par exemple),

ou que la conseillère me voit absolument à mon compte, pourquoi ne

pas reprendre un petit snack par exemple…. Elle ne me dit pas avec quel

argent bien sûr.

– En 5 années d’inscription dans le sud, j’ai changé 5 fois de conseillère.

Lorsque mon indemnisation a pris fin, on m’a même supprimé les

entretiens mensuels. J’ai dû ruer dans les brancards pour obtenir

difficilement un rendez-vous qui a abouti sur l’attribution d’un

accompagnement renforcé. On m’a alors dédié des soi-disant « super »

conseillères censées m’apporter toute leur aide. Je crois que ce sont les

personnels les plus incompétents qu’il m’a été donné de rencontrer là-

bas. Beaucoup de vent brassé pour pas grand résultat, des réunions, des

rendez-vous qui ne servent à rien, des espoirs déçus, comme par

exemple me faire miroiter une formation en webdesign, pour finalement

me dire que cela fait partie des matières exclues de l’aide individuelle à

la formation. L’une de ces super conseillères avait pour habitude de me

convoquer à un rendez-vous et de me faire attendre minimum une heure

dans le hall, quand elle n’oubliait pas carrément que nous avions rendez-

vous. Une fois que je me plaignais à l’accueil, l’hôtesse me rétorqua que

c’était normal, que c’était comme chez le médecin. On attend… Mais le

pire c’est que le jour où elle m’a annoncé que le Webdesign faisait partie

des matières non prises en charge par l’aide à la formation, pendant mon

heure d’attente dans le hall, j’avais eu tout le loisir de lire les infos qui

défilaient sur les écrans et on pouvait y lire que l’informatique était le

secteur qui avait le plus recruté en 2015 et qu’on s’attendait encore à un

pourcentage significatif d’embauches dans ce secteur…

– Que dire des réunions collectives organisées par ces super conseillères,

dans lesquelles on se retrouve avec des publics qui n’ont rien à voir avec

votre profil et dans lesquelles on vous dit qu’il y a le marché visible (celui

des offres Pole Emploi et des journaux) et le marché caché (celui de

notre propre réseau). Et de vous dire qu’il ne faut pas trop compter sur le

marché visible, que seul le marché caché peut vous aider à trouver un

job. On vous balade quand même vers un cabinet privé de recrutement /

formation ou encore un soi-disant spécialiste de l’emploi commence à

vous donner le ton de l’aide qu’il va bien pouvoir vous fournir en ne

notant même pas dans son agenda les jours et heures de vos rendez-

vous individuels et vous fait déplacer pour finalement vous dire qu’il

vous a envoyé un mail pour annuler le rendez-vous (ce qui bien entendu

est faux, vous n’avez pas eu de mail). Ce monsieur-là, sa seule

préoccupation le jour de la première réunion collective, ça a été de nous

faire à tous signer la convention qui allait lui assurer une bonne

subvention de l’Etat pour l’accompagnement de chômeurs à la ramasse

comme moi.

– Je pourrais aussi vous parler d’une réunion organisée par Pole Emploi et

pour laquelle j’ai reçu, sms, mail, courrier dans mon espace personnel…

ils voulaient absolument que j’y vienne à cette réunion. On voulait

m’aider apparemment en m’offrant une belle opportunité de reprendre

des études supérieures dans le cadre d’une formation continue. Cette

réunion en fait était un moyen pour les établissements universitaires et

de formation continue de la ville de remplir leur carnet de postulants

juste avant la dotation des subventions de l’Etat. Plus il y a d’inscrits sur

la liste des personnes intéressées, plus les subventions sont élevées.

C’était puant et indigne. Quand j’ai compris pourquoi j’étais là, j’ai

demandé à quitter la réunion et une conseillère m’a demandé de rester

pour « respecter les personnes qui animaient la réunion ». Les

formations proposées n’avaient rien à voir avec mon profil.

– La dernière en date, c’est ce sms reçu dans lequel on me donnait l’ordre

de me « présenter à 9h précises » dans une antenne POLE EMPLOI située

à l’autre bout de la ville, pour un « recrutement au CHU ». Aucune

précision sur les postes à pourvoir ni sur les conditions de recrutement.

Et les 9h précises requises pour moi, ne l’étaient bien entendu pas pour

les trois personnes de POLE EMPLOI qui ont animé cette réunion et nous

ont fait attendre qu’elle veuille bien se donner la peine de venir nous

chercher. Réunion totalement inutile puisque de toute façon il fallait

postuler ensuite directement auprès de l’employeur. Une perte de

temps, lors de laquelle il a fallu écouter une jeune femme (qui s’écoutait

elle-même beaucoup parler), prendre tout son temps pour en venir au

fait, et pour finalement nous dire en fin de réunion donc au bout d’une

heure qu’il y avait un prérequis indispensable, être à jour de ses

vaccinations pour pouvoir postuler. Quand nous lui avons fait remarquer

qu’elle aurait pu commencer par-là, elle a rétorqué mauvaise, que le plus

important était de nous donner l’information sur le CAE / CUI, oui, parce

que bien sûr il s’agissait encore de postes à pouvoir dans le cadre de ces

contrats aidés, en temps partiel, à durée déterminée et payé au SMIC.

Une personne présente a demandé si l’employeur se chargeait de former

les personnels, mais bien sûr la réponse était non. J’ai fait remarquer

qu’en contrepartie des aides versées par l’Etat, le CHU pourrait au moins

former les personnels qu’il recrute, mais cela n’a pas plu à l’animatrice.

Non parce qu’il faut être docile et se la fermer et accepter sagement

qu’on nous réduise à l’état d’esclave et en plus être reconnaissant.

Ce que tout cela m’inspire est que le chômage n’est pas un drame pour tout le

monde. C’est même un sacré business. Toutes ces personnes qui font des

réunions qui ne servent à rien et qui osent même le cynisme de vouloir qu’on

fasse semblant de croire qu’elles nous sont utiles, sont juste là pour justifier

leur salaire et leur job. Que ce soit les employés POLE EMPLOI, les formateurs,

les responsables de la formation continue à la fac, tous ces gens-là qui profitent

de la précarité et de la misère humaine des demandeurs d’emploi. Ils nous

réduisent à l’état de manant en train de quémander un boulot, une formation,

une écoute, une aide. Ils se prennent pour les gardiens du temple mais ne sont

eux-mêmes que des pions, tout autant éjectables que nous-mêmes, mais ils

n’en ont pas encore conscience. Mais non seulement ils sont inutiles mais en

plus ils vous lessivent, vous ruinent par leur incompétence. Vous vous sentez

encore plus moins que rien, incapable d’agir, inutile, inaudible, frustrée. Et

quand je lis dans le hall des affiches sur le respect qu’on leur doit, ça me met

encore plus en colère. Je me suis rarement sentie respectée dans mes relations

avec POLE EMPLOI et ma recherche d’emploi. Humiliée, ça oui, mais pas

respectée.

Je comprends aussi que l’on veut une masse de personnes flexibles, dociles,

des personnes auxquelles on donne des miettes pour s’assurer qu’elles seront

trop peureuses de perdre le peu qu’elles ont. On organise cette précarité qui

nous rend vulnérables. Et gare à celui qui moufte. Je pense que tout cela est

voulu. Comment continuer à se battre pour sa dignité quand à tous les niveaux

on vous rabaisse, d’abord par le genre de job qu’on vous propose, ensuite par

le salaire de misère et sans garantie dans le temps… Et que dire du contenu des

offres, les exigences des employeurs rapportées aux salaires proposés ou aux

conditions de travail… Humiliant la plupart du temps et en plus on vous

demande d’être motivée pour ça. Il y a aussi la façon dont vos demandes

d’emploi sont traitées. Les employeurs qui vous répondent même

négativement sont rares. La règle c’est plutôt pas de réponse du tout. Aucun

respect de la personne qui postule. Il faut se faire humilier avec le sourire et la

pêche. Et quand vous arrivez à avoir un entretien pour un job qui nécessite des

qualifications mais qu’il est encadré par un CAE, donc CDD de 20h hebdo, non

renouvelable, payé au SMIC, comme cela m’est déjà arrivé, et que la femme qui

vous reçoit ose vous demander quelles sont vos motivations pour le poste,

mais là, vous avez envie de lui sauter à la gueule.

Quant au monde du travail, je pense qu’il a beaucoup évolué depuis les années

90. Je ne sais pas comment ils sont arrivés à dresser les salariés les uns contre

les autres comme c’est le cas aujourd’hui, faire que dans une entreprise, on est

toujours en concurrence avec ses collègues, qu’on ne peut compter sur l’aide

de personne en cas de conflit avec la direction. J’ai principalement travaillé

dans des petites entreprises, donc pas de syndicat, avec un passage d’une

dizaine d’années dans le public. Quand je suis revenue dans le privé, je me suis

pris une claque. Je ne me reconnaissais pas dans ce que l’on me demandait

d’être. (Peut-être parce qu’on ne me demandait plus « d’être ») Je me suis

aperçue que ma valeur dans l’entreprise ne dépendait plus de mes

compétences mais de ma docilité. Aujourd’hui, quand un salarié ose ouvrir sa

gueule, il est forcément catalogué caractériel. La classe ouvrière a disparu, la

notion de travailleur-euse aussi. Cette conscience de classe a été gommée et

les employés sont devenus des larbins, flexibles, dociles et silencieux. Il ne faut

pas faire de vague et ne jamais rien exprimer de personnel. Les titres des

postes à pourvoir ont des noms ronflants, vides de sens. J’ai l’impression qu’on

endort les gens avec ces titres. Chacun se croit plus important que l’autre.

Avant il y avait des O.S. des O.Q. qui savaient qu’ils faisaient partie de la classe

ouvrière, des agents de maîtrise ou des contremaîtres qui étaient identifiés

comme faisant partie des cadres, maintenant il n’y a que des chefs de projet,

des responsables de ceci ou des responsables de cela et dans le tertiaire c’est

encore pire, ils ne sont souvent responsables que d’eux-mêmes. Y’a que le titre

qui est ronflant, le salaire lui l’est moins, mais avec un titre ronflant on a

l’impression d’être au-dessus du lot et on se croit faire partie des dirigeants on

croit donc qu’on n’a pas grand-chose de commun avec son voisin de bureau,

celui qui en bave autant que vous, mais fait comme si tout allait bien, parce

qu’il faut être un « winner ».

Cette « loi du travail », c’est vraiment l’expression de tout ce que je viens

d’écrire. Si on la laisse passer, nous ne serons plus des hommes et des femmes,

travailleurs travailleuses, nous ne serons plus que des larbins.

Ma mère et moi nous nous interdisons les repas de midi au profit de mes sœurs, plus jeunes.

dimanche 26 février 2017 à 12:00

Salut #OnVautMieuxQueCa. J’ai un témoignage pour vous. Enfin, plusieurs en réalité, fractionnables, renvoyant chacuns à différentes réalités du monde du travail. Un travail dans lequel mon père s’est acharné au point d’en oublier sa dignité, et que ma mère a perdu il y a de cela 10ans avec l’arrivée de ma seconde petite sœur. Un travail que j’ai dû, en tant qu’enfant, connaître trop tôt. Tout ça, c’est pour mes parents. Je vous laisse tirer ce qui vous semblera à judicieux de tout ca, car j’ai peur de ne pas savoir être concise, tant le travail est devenu une valeur fondamentale au sein de ma famille.
Commençons par ma mère ; à 33ans, elle tombera enceinte de ma seconde petite sœur. J’avais 10 ans. Le déni de grossesse, probablement provoque par l’immense pression qui pesait sur elle en tant que femme a son travail, à fait que je nous n’avons su qu’à 6 mois de grossesse qu’elle cachait un bébé dans son ventre. Un bébé qui, soyons clairs, au vu de la précarité dans laquelle nous étions déjà, n’aurait pas du être là de sitôt. Chef d’atelier en bijouterie, seule femme, la plus jeune des ouvrières, elle qui a travaillé dans l’ombre des plus grands créateurs, assemblant avec ses petites mains les plus beaux bijoux portes par les plus belles femmes, alors qu’elle n’a même pas les moyens de s’en payer un tiers, sera licenciée pendant son congé maternité, car « cacher une grossesse est une faute, et avoir trois enfants lorsqu’on souhaite travailler en est une plus grande encore ». Ma mère adorait son métier, ce métier pour lequel elle a arrêté l’école à 16 ans au grand dam de ses professeurs, qui lui a troué les bras à l’acide, qui lui a fait vivre les pires frayeurs, entre les braquages et les kilos de pierres précieuses qu’elle devait ramener dans notre HLM pour finir son travail de la journée, sans aucune mesure de sécurité. Les pires humiliations aussi, quand son patron lui faisait du pied en réunion, alors qu’elle était enceinte. Quand le frère de celui ci, photographe « luttant pour l’écologie et les droits de l’homme » reconnu, l’avait menacée de licenciement car elle avait osé s’opposer à l’exportation de la production en Chine, là ou la main d’œuvre infantile est si bon marché. Cela fait maintenant 10 ans que ma mère est au chômage. 10 ans qu’elle devient tour à tour intérimaire, femme de ménage, et que les propositions d’embauche s’amenuisent car, à 43 ans, on ne vaut plus grand chose. Le dernier entretien en date s’est solde par « vous avez une expérience incroyable, vous avez parfaitement le profil, mais nous paierons beaucoup moins cher à embaucher un jeune au chômage que… vous. ». Car oui, c’est la le fond du problème; les aides à la réinsertion ne pas s’appliquant pas aux chômeurs de plus de 26 ans, ma mère ne trouvera probablement plus jamais de travail. Et c’est triste. Et ses trous dans les mains se couvrent régulièrement de larmes, quand cette maman qui aimait le travail pense à sa vie de mère au foyer qu’elle n’a pas choisi. Lorsque l’on dit que le chômage et la dépression vont de paire, je ne peux que le confirmer…
Mon père maintenant. Issu de l’immigration portugaise des années 70, il s’est toujours considéré français, reconnaissant envers ce pays qui l’a accueilli au point de demander sa nationalité à 18 ans dans le seul but de faire son service militaire, par pur esprit patriotique. Mon père, je l’ai toujours connu travaillant. Ce qui ne m’étonne guère, je reviendrais sur ce point. D’une fidélité à toutes épreuves, il n’a connu sue deux entreprises. La première, il y est resté 15 ans. 15 ans à faire 4h de trajets par jours. 15 ans à ne presque pas nous voir. 15 ans à parfois dormir dans son fauteuil au bureau car il avait tellement de travail qu’il ne pouvait pas se permettre de rentrer. 15 ans à être payé 1500e net. Je sais que le statut de cadre est considéré socialement comme un statut somme toute moins précaire que d’autres, néanmoins mon père, comme beaucoup d’entre eux, n’a jamais été payé à la mesure du travail qu’il fournissait. Après notre déménagement de la région parisienne à la région lyonnaise, mon père quitte cette entreprise pour une autre, ou il passera 7 ans. Considéré comme le numéro 2 de cette entreprise, il ne gagnera pourtant pas plus, ne travaillera pas moins. Plusieurs fois, il ne recevra pas sa paye, pendant 1/2/3 mois. Et ma mère, que le chômage a rendu apeurée, n’ose pas lui dire la vérité; nous sommes très, très pauvres. C’est une période comme beaucoup en connaissent hélas. Ma mère et moi nous nous interdisons les repas de midi au profit de mes sœurs, plus jeunes. A 16 ans, je suis confrontée à une triste réalité; je rentre de mes baby sitting, que j’enchaîne en délaissant le lycée, avec mes 20/30 maigres euros qui permettront de tenir 1 ou 2 jours de plus. Sans que jamais mon père ne sache. Sans que jamais je n’espère un jour me les voir rembourser. Puis l’échéance arrive, et on y est ; mon père sort du boulot, va à la boulangerie pour un sandwich, tente de
Payer avec sa carte, et le couperet tombe. Nous sommes Banque de France. Interdit, il est dans l’incompréhension. Et moi si bête que j’ai été de laisser ma mère se sentir seule, se sentir amoindrie, à tout porter sur ses épaules. Et il pardonne mon père. Il pardonne à ma mère, à son boss qui n’a jamais été correct, allant jusqu’à lui faire payer avec sa propre carte ses frais de voyage. Il pardonne et continue le travail. Et puis arrive cet été. Quand la paye n’arrive pas, que la banque continue à tourner, que les frais s’accumulent, le loyer n’ est plus une priorité. Mes parents et mes sœurs sont expulsés. Moi, cela fait 2 ans que je vis comme je peux avec mon copain, mon boulot, mes études. Nous finissons à 6 dans mon 50m2. Cela dure 4 mois. 4 mois de galère à trouver un appart, à ne pas céder aux assistantes sociales qui proposent de prendre en charge mes sœurs sans jamais dire que si elles ne sont plus avec mes parents, ils ne pourront prétendre qu’à trouver un t2 et auront un mal de chien à les récupérer. 4 mois ou ma mère prend conscience qu’il existe des gens bons et attentifs, ces travailleurs sociaux qui côtoient la misère quotidienne et y trouvent des solutions autant que faire se peut. Et enfin, un appartement. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, mon père, si fidèle, fait face au dépôt de bilan « surprise » de son entreprise, dont le patron est aujourd’hui poursuivi pour fraude. Un patron qui avait la confiance de ses 12 employés et qui les a honteusement trompés. Mon père retrouvera un travail une semaine plus tard, grâce à son abnégation et la réputation qu’il s’est faite dans son milieu. Mes parents finissent aujourd’hui de rembourser leurs dettes, la situation tend à s’améliorer, mais si nous avons bien appris une chose, c’est qu’il nous est impossible à nous, classe « moyenne », d’etre sûrs de nos arrières, et il nous est interdit, surtout, d’être trop gentils, et ce surtout dans le milieu du travail.
Et moi, ancienne étudiante, avec tous ces remous, j’ai pris la décision de mettre fin à mes études. Pourtant, j’étais plutôt bonne, mais la vie d’étudiante salariée et les 70h par semaines qu’elle engendrait m’ont pousse à la déprime, aux burn out trimestriels à chaque période de partiels. Et puis ce constat; mon père, son doctorat ne l’aura pas mis à l’abri. Alors j’ai abandonné, pour le travail et l’illusion d’une vie plus stable et plus agréable. J’ai trouvé ma place dans la restauration, un métier qui me passionne mais qui peut être le pire comme le meilleur. Je suis évidemment comme beaucoup passée par ces entreprises qui n’ont que faire du bien être de leur salariés, j’ai été sous payée, j’ai fait des heures supplémentaires à n’en plus finir, parfois jusqu’à me retrouver à travailler 7/7 pendant tout un mois, jusqu’à 15h par jour. Tout ça pour un Smic. J’ai vécu la stigmatisation aussi, qui dans mon cas est positive, puisque je m’appelle Goncalves et que « les portugais sont des bosseurs et font bien le menage ». Parce que je suis une femme, et que « les femmes sont consciencieuses » voire corvéables à merci. Parce que je suis pas trop moche, au point d’être présentée par certains de mes employeur à leurs amis comme un « atout charme ». Je ne me plaindrait jamais d’avoir la certitude de toujours trouver du travail, lorsque d’autres galèrerons toute une vie. Ce dont je me plains, ce sont ces à priori insensés qui me placent dans une position avantageuse dont on attendra toujours que je sois reconnaissante, tandis que mes amis renois, reubeus, avec qui je partage l’histoire commune de l’immigration de nos grands parents, se trouvent eux dans une stigmatisation de bien plus malsaine dont je ne peux qu’avoir pleinement conscience. L’importance du nom et de la couleur de peau,ou du genre au travail est indéniable, et qu’elle soit positive ou négative, cette stigmatisation constante n’a pas lieu d’être.
Aujourd’hui, la vie tend à s’améliorer. J’ai trouvé un travail dans une entreprise familiale avec des employeurs formidables, du genre de ceux qui ont compris la symbolique même de l’entreprenariat. Du genre de ceux qui vous prennent tels que vous êtes, avec vos potentiels, en essayant de vous tirer vers le haut sans jamais changer votre personne. Du genre qui vous interdit de vous inquiéter du travail pendant vos week-end, car ils ont compris que votre productivité dépend de votre bien être. Du genre qui a compris que quand on fait 42h par semaine, un Smic ne suffit pas. Du genre à ne pas te faire de réflexion quand tu débarqués pas maquillée alors que tu es la seule fille du staff et qu’une semaine grande partie. Du genre à adhérer à l’idée de méritocratie, tout simplement. Je suis convaincue qu’il sera prêt à banquer pour bien nous rémunérer autant qu’il le peut, et en cela je me sens plus en sécurité que d’autres vis à vis de cette merde de loi travail. Pour autant, je ne peux rester inactive face aux injustices de plus en plus criantes et je m’ opposerais aussi longtemps qu’il le faudra à cette pseudo démocratie qui fait de nous des êtres amoureux de leur servitude, comme le disait si justement Huxley. Je crois en vous comme je crois encore en ces milliers de personnes. Pour mes parents, pour mes amis, pour les enfants qui prendront notre relais. Pour toutes ces années de galère qui m’ont appris que le travail doit avant tout redevenir une valeur commune, et pas la bête noire d’un nombre incalculable de personne, ou le cheval de guerre d’une poignée d’oligarques. Merci à vous d’exister et de redonner un tant soit peu d’espoir à notre génération, et une oreille attentive à celle de nos parents. Merci d’avoir lu.