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Mon expérience avec le chômage et Pole Emploi depuis 2007

lundi 27 février 2017 à 10:00

Mon expérience avec le chômage et Pole Emploi depuis 2007 :

– Je suis une femme de 55 ans, diplômée de l’enseignement supérieur,

avec 30 ans d’expérience professionnelle dans diverses fonctions dont

Assistante de Direction. Je suis qualifiée.

– En 2007, après une mise au placard par le nouvel acquéreur de

l’entreprise pour laquelle je travaillais, je me suis fait licencier.

– J’ai trouvé du travail en intérim, difficilement, mais du travail tout de

même. Pour cela il a fallu que je rogne sur mes prétentions salariales.

– Pour des raisons personnelles j’ai changé de région. Je suis partie vivre

dans le sud. L’ANPE était devenue POLE EMPLOI. On m’a d’abord signifié

que je devais revoir mes prétentions salariales, que la règle était plutôt le

SMIC. Selon les périodes j’ai travaillé à temps partiel, toujours au SMIC,

mais depuis un an, c’est chômage total.

– Les seuls jobs que l’on m’a proposés sont presque toujours encadrés par

un contrat aidé, 20 heures hebdo payés au SMIC, ce qui ne fait pas lourd

pour vivre, mais le plus insupportable est sûrement lorsque l’on

m’envoie des propositions pour faire de la vente auprès de particuliers

en auto entrepreneuriat bien entendu (vente de lingerie par exemple),

ou que la conseillère me voit absolument à mon compte, pourquoi ne

pas reprendre un petit snack par exemple…. Elle ne me dit pas avec quel

argent bien sûr.

– En 5 années d’inscription dans le sud, j’ai changé 5 fois de conseillère.

Lorsque mon indemnisation a pris fin, on m’a même supprimé les

entretiens mensuels. J’ai dû ruer dans les brancards pour obtenir

difficilement un rendez-vous qui a abouti sur l’attribution d’un

accompagnement renforcé. On m’a alors dédié des soi-disant « super »

conseillères censées m’apporter toute leur aide. Je crois que ce sont les

personnels les plus incompétents qu’il m’a été donné de rencontrer là-

bas. Beaucoup de vent brassé pour pas grand résultat, des réunions, des

rendez-vous qui ne servent à rien, des espoirs déçus, comme par

exemple me faire miroiter une formation en webdesign, pour finalement

me dire que cela fait partie des matières exclues de l’aide individuelle à

la formation. L’une de ces super conseillères avait pour habitude de me

convoquer à un rendez-vous et de me faire attendre minimum une heure

dans le hall, quand elle n’oubliait pas carrément que nous avions rendez-

vous. Une fois que je me plaignais à l’accueil, l’hôtesse me rétorqua que

c’était normal, que c’était comme chez le médecin. On attend… Mais le

pire c’est que le jour où elle m’a annoncé que le Webdesign faisait partie

des matières non prises en charge par l’aide à la formation, pendant mon

heure d’attente dans le hall, j’avais eu tout le loisir de lire les infos qui

défilaient sur les écrans et on pouvait y lire que l’informatique était le

secteur qui avait le plus recruté en 2015 et qu’on s’attendait encore à un

pourcentage significatif d’embauches dans ce secteur…

– Que dire des réunions collectives organisées par ces super conseillères,

dans lesquelles on se retrouve avec des publics qui n’ont rien à voir avec

votre profil et dans lesquelles on vous dit qu’il y a le marché visible (celui

des offres Pole Emploi et des journaux) et le marché caché (celui de

notre propre réseau). Et de vous dire qu’il ne faut pas trop compter sur le

marché visible, que seul le marché caché peut vous aider à trouver un

job. On vous balade quand même vers un cabinet privé de recrutement /

formation ou encore un soi-disant spécialiste de l’emploi commence à

vous donner le ton de l’aide qu’il va bien pouvoir vous fournir en ne

notant même pas dans son agenda les jours et heures de vos rendez-

vous individuels et vous fait déplacer pour finalement vous dire qu’il

vous a envoyé un mail pour annuler le rendez-vous (ce qui bien entendu

est faux, vous n’avez pas eu de mail). Ce monsieur-là, sa seule

préoccupation le jour de la première réunion collective, ça a été de nous

faire à tous signer la convention qui allait lui assurer une bonne

subvention de l’Etat pour l’accompagnement de chômeurs à la ramasse

comme moi.

– Je pourrais aussi vous parler d’une réunion organisée par Pole Emploi et

pour laquelle j’ai reçu, sms, mail, courrier dans mon espace personnel…

ils voulaient absolument que j’y vienne à cette réunion. On voulait

m’aider apparemment en m’offrant une belle opportunité de reprendre

des études supérieures dans le cadre d’une formation continue. Cette

réunion en fait était un moyen pour les établissements universitaires et

de formation continue de la ville de remplir leur carnet de postulants

juste avant la dotation des subventions de l’Etat. Plus il y a d’inscrits sur

la liste des personnes intéressées, plus les subventions sont élevées.

C’était puant et indigne. Quand j’ai compris pourquoi j’étais là, j’ai

demandé à quitter la réunion et une conseillère m’a demandé de rester

pour « respecter les personnes qui animaient la réunion ». Les

formations proposées n’avaient rien à voir avec mon profil.

– La dernière en date, c’est ce sms reçu dans lequel on me donnait l’ordre

de me « présenter à 9h précises » dans une antenne POLE EMPLOI située

à l’autre bout de la ville, pour un « recrutement au CHU ». Aucune

précision sur les postes à pourvoir ni sur les conditions de recrutement.

Et les 9h précises requises pour moi, ne l’étaient bien entendu pas pour

les trois personnes de POLE EMPLOI qui ont animé cette réunion et nous

ont fait attendre qu’elle veuille bien se donner la peine de venir nous

chercher. Réunion totalement inutile puisque de toute façon il fallait

postuler ensuite directement auprès de l’employeur. Une perte de

temps, lors de laquelle il a fallu écouter une jeune femme (qui s’écoutait

elle-même beaucoup parler), prendre tout son temps pour en venir au

fait, et pour finalement nous dire en fin de réunion donc au bout d’une

heure qu’il y avait un prérequis indispensable, être à jour de ses

vaccinations pour pouvoir postuler. Quand nous lui avons fait remarquer

qu’elle aurait pu commencer par-là, elle a rétorqué mauvaise, que le plus

important était de nous donner l’information sur le CAE / CUI, oui, parce

que bien sûr il s’agissait encore de postes à pouvoir dans le cadre de ces

contrats aidés, en temps partiel, à durée déterminée et payé au SMIC.

Une personne présente a demandé si l’employeur se chargeait de former

les personnels, mais bien sûr la réponse était non. J’ai fait remarquer

qu’en contrepartie des aides versées par l’Etat, le CHU pourrait au moins

former les personnels qu’il recrute, mais cela n’a pas plu à l’animatrice.

Non parce qu’il faut être docile et se la fermer et accepter sagement

qu’on nous réduise à l’état d’esclave et en plus être reconnaissant.

Ce que tout cela m’inspire est que le chômage n’est pas un drame pour tout le

monde. C’est même un sacré business. Toutes ces personnes qui font des

réunions qui ne servent à rien et qui osent même le cynisme de vouloir qu’on

fasse semblant de croire qu’elles nous sont utiles, sont juste là pour justifier

leur salaire et leur job. Que ce soit les employés POLE EMPLOI, les formateurs,

les responsables de la formation continue à la fac, tous ces gens-là qui profitent

de la précarité et de la misère humaine des demandeurs d’emploi. Ils nous

réduisent à l’état de manant en train de quémander un boulot, une formation,

une écoute, une aide. Ils se prennent pour les gardiens du temple mais ne sont

eux-mêmes que des pions, tout autant éjectables que nous-mêmes, mais ils

n’en ont pas encore conscience. Mais non seulement ils sont inutiles mais en

plus ils vous lessivent, vous ruinent par leur incompétence. Vous vous sentez

encore plus moins que rien, incapable d’agir, inutile, inaudible, frustrée. Et

quand je lis dans le hall des affiches sur le respect qu’on leur doit, ça me met

encore plus en colère. Je me suis rarement sentie respectée dans mes relations

avec POLE EMPLOI et ma recherche d’emploi. Humiliée, ça oui, mais pas

respectée.

Je comprends aussi que l’on veut une masse de personnes flexibles, dociles,

des personnes auxquelles on donne des miettes pour s’assurer qu’elles seront

trop peureuses de perdre le peu qu’elles ont. On organise cette précarité qui

nous rend vulnérables. Et gare à celui qui moufte. Je pense que tout cela est

voulu. Comment continuer à se battre pour sa dignité quand à tous les niveaux

on vous rabaisse, d’abord par le genre de job qu’on vous propose, ensuite par

le salaire de misère et sans garantie dans le temps… Et que dire du contenu des

offres, les exigences des employeurs rapportées aux salaires proposés ou aux

conditions de travail… Humiliant la plupart du temps et en plus on vous

demande d’être motivée pour ça. Il y a aussi la façon dont vos demandes

d’emploi sont traitées. Les employeurs qui vous répondent même

négativement sont rares. La règle c’est plutôt pas de réponse du tout. Aucun

respect de la personne qui postule. Il faut se faire humilier avec le sourire et la

pêche. Et quand vous arrivez à avoir un entretien pour un job qui nécessite des

qualifications mais qu’il est encadré par un CAE, donc CDD de 20h hebdo, non

renouvelable, payé au SMIC, comme cela m’est déjà arrivé, et que la femme qui

vous reçoit ose vous demander quelles sont vos motivations pour le poste,

mais là, vous avez envie de lui sauter à la gueule.

Quant au monde du travail, je pense qu’il a beaucoup évolué depuis les années

90. Je ne sais pas comment ils sont arrivés à dresser les salariés les uns contre

les autres comme c’est le cas aujourd’hui, faire que dans une entreprise, on est

toujours en concurrence avec ses collègues, qu’on ne peut compter sur l’aide

de personne en cas de conflit avec la direction. J’ai principalement travaillé

dans des petites entreprises, donc pas de syndicat, avec un passage d’une

dizaine d’années dans le public. Quand je suis revenue dans le privé, je me suis

pris une claque. Je ne me reconnaissais pas dans ce que l’on me demandait

d’être. (Peut-être parce qu’on ne me demandait plus « d’être ») Je me suis

aperçue que ma valeur dans l’entreprise ne dépendait plus de mes

compétences mais de ma docilité. Aujourd’hui, quand un salarié ose ouvrir sa

gueule, il est forcément catalogué caractériel. La classe ouvrière a disparu, la

notion de travailleur-euse aussi. Cette conscience de classe a été gommée et

les employés sont devenus des larbins, flexibles, dociles et silencieux. Il ne faut

pas faire de vague et ne jamais rien exprimer de personnel. Les titres des

postes à pourvoir ont des noms ronflants, vides de sens. J’ai l’impression qu’on

endort les gens avec ces titres. Chacun se croit plus important que l’autre.

Avant il y avait des O.S. des O.Q. qui savaient qu’ils faisaient partie de la classe

ouvrière, des agents de maîtrise ou des contremaîtres qui étaient identifiés

comme faisant partie des cadres, maintenant il n’y a que des chefs de projet,

des responsables de ceci ou des responsables de cela et dans le tertiaire c’est

encore pire, ils ne sont souvent responsables que d’eux-mêmes. Y’a que le titre

qui est ronflant, le salaire lui l’est moins, mais avec un titre ronflant on a

l’impression d’être au-dessus du lot et on se croit faire partie des dirigeants on

croit donc qu’on n’a pas grand-chose de commun avec son voisin de bureau,

celui qui en bave autant que vous, mais fait comme si tout allait bien, parce

qu’il faut être un « winner ».

Cette « loi du travail », c’est vraiment l’expression de tout ce que je viens

d’écrire. Si on la laisse passer, nous ne serons plus des hommes et des femmes,

travailleurs travailleuses, nous ne serons plus que des larbins.